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Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve !

Le 14 mai dernier, l'Etat d'Israël fêtait ses 73 ans d'existence. L'occasion de revenir sur le parcours de son fondateur : Théodore Herzl, dernier prophète d'Israël.


" Je suis né à Budapest en 1860, tout près de la synagogue où le rabbin m'accusait avec véhémence parce que - oui vraiment - parce que je veux plus d'honneur et de liberté pour les juifs qu'ils n'en ont actuellement. On m'envoya à l'école primaire juive... mon plus ancien souvenir de cette école est la correction que j'y reçus pour n'avoir pas su les détails de l'Exode d'Egypte. Aujourd'hui, de nombreux instituteurs aimeraient bien me punir parce que je me souviens trop de cet exode."


L'homme qui parle ainsi est le véritable fondateur de l'état d'Israël : Théodore Herzl, "le roi Herzl" comme on l'appelait. Il est le nouveau Moïse choisi par Dieu au temps fixé pour accomplir ses desseins. Tel un prophète de l'ancien testament, il a une belle barbe noire et un regard de feu. Il est journaliste à Vienne, dramaturge à ses heures.

Jusqu'ici, la question juive l'a peu inquiété. Juif émancipé, il pense que la solution du problème réside dans l'assimilation des juifs au sein de la société ambiante. Une telle assimilation lui semble possible depuis "l'émancipation", c'est-à-dire l'égalité des droits accordés aux juifs par la révolution française de 1789 et par les "droits de l'homme".



Herzl devient vite un des meilleurs journalistes du journal viennois "Neue Freie Presse" dont il est le correspondant à Paris. C'est à ce titre qu'il assiste le 22 décembre 1894 à la dégradation du capitaine Dreyfus, faussement accus d'espionnage. Ce sera le tournant décisif de son existence. En effet, de la foule massée sur l'esplanade des Invalides monte soudain ce cri "mort aux Juifs !".

A l'ouïe de ce vieux cri de haine séculaire, le monde dans lequel Herzl a vécu jusqu'alors vacille et s'écroule : "mort aux juifs " hurlait la populace, lorsque les décorations furent arrachées de l'uniforme... où cela ? En France ! Dans la France républicaine, moderne, civilisée, cent ans après la déclaration des droits de l'homme ! En un instant, Herzl prend conscience que "l'assimilation est insuffisante, car si au sein de cette France libérale, les juifs peuvent être l'objet d'une telle explosion de haine, c'est donc que les juifs ne seront tranquilles nulle part !"


Rentré chez lui, Herzl poursuit sa réflexion. Pourquoi une telle haine millénaire contre les juifs ? Parce que, pense-t-il : dans nos patries où nous demeurons depuis des siècles, nous sommes considérés comme des étrangers par ceux-là mêmes dont les pères ne faisaient pas encore partie de ce pays quand nos grands-pères y souffraient déjà... qu'on ne se leurre pas, même là où en apparence l'antisémitisme n'existe pas, il est assoupi dans l'âme du peuple... et plus longtemps il se fait attendre, plus orageux devient son éclat !"

La solution soudain lui apparait clairement : les juifs doivent redevenir un peuple comme les autres, avec un pays où ils seraient chez eux et non plus des étrangers : "on doit nous donner la domination d'une partie d'un pays suffisamment grand pour satisfaire les légitimes besoins de notre peuple... l'état juif est une nécessité mondiale et il se constituera... Les juifs qui le voudront auront leur état et le mériteront !"


Quelle terre peut répondre à ce besoin ? Herzl répond : "La Palestine est notre patrie historique, inoubliable. Rien que son nom possède une immense force d'attraction pour notre peuple !"



Herzl, un des derniers prophètes d'Israël


Comme un trait de génie, Herzl a pris conscience qu'il y avait pour un court temps un vacuum en Palestine qui était pour l'heure un no man's land que personne ne revendiquait vraiment et qu'elle était une "terre sans peuple pour un peuple sans terre !" Ce fut son mérite de prendre conscience de l'importance de la souveraineté reconnue par le concert des nations. Dès lors, Herzl n'est plus que l'homme d'une seule idée.


Il écrit presque d'un seul jet un petit livre qui deviendra une véritable bombe : l'Etat juif, dans lequel il jette les bases et expose les principes du Sionisme. Il achève cet ouvrage en ces termes : "c'est pourquoi je suis persuadé que naîtra une génération de juifs merveilleux, les Maccabées se lèveront encore. Une fois encore je redirai les paroles par lesquelles j'ai commencé ce livre : les Juifs qui le veulent auront leur état et le mériteront. Le monde sera libéré par notre libération, enrichi par notre richesse, grandi par notre grandeur, ce que nous réussirons là-bas nous-mêmes servira au bonheur de toute l'humanité !"


Quelques jours après la parution du livre, un homme s'arrête distraitement devant la vitrine d'une librairie de Vienne. Le pasteur William Hechler, chapelet de l'ambassade de Grande-Bretagne à Vienne. W. Hechler avait beaucoup étudié les prophéties relatives à la résurrection du peuple juif et était persuadé que le temps était venu où les antiques promesses du retour à Sion allaient s'accomplir. Soudain, son regard est attiré par un petit livre : L'Etat juif. Il entre dans le magasin et achète le livre. Soulevé d'enthousiasme, il se précipite chez Herzl et lui déclare tout de go "je viens de lire votre livre. Vous êtes l'homme que Dieu a choisi pour libérer son peuple !" C'est le début d'une indéfectible amitié entre les deux hommes : le juif et le chrétien, qui tous deux partageaient la même vision. Hechler devient le confident des bons et des mauvais jours, le conseiller qui jamais ne cessa d'encourager le "roi Herzl" dans les moments difficiles et qui l'accompagna jusqu'à son dernier souffle.


En 1897, Herzl convoque à Bâle le premier congrès sioniste. Ce fut un énorme succès. Un enthousiasme extraordinaire soulève l'assistance qui avait conscience d'être la première assemblée nationale juive depuis la destruction du temple. Enfin Herzl apparait tel un prophète, certains délégués se mettent à crier "vive le roi !" Le Congrès se fixe comme but la création d'un foyer national pour le peuple juif en Palestine garanti publiquement et juridiquement. On crée différentes institutions dont un fonds pour le rachat des terres en Palestine et on se sépare après avoir juré debout "Si je t'oublie Jérusalem !" (Ps. 137 v.5)



Le congrès sioniste à Bâle, en 1897

Si je t'oublie Jérusalem


Dès lors, Herzl se dépense sans compter pour faire aboutir son idée. Il est partout à la fois, il traite d'égal à égal avec toutes les têtes couronnées d'Europe, y compris avec le Pape Pie X qui l'éconduit en ces termes : "Nous ne pouvons tolérer que la Palestine soit confiée aux juifs ! Que les juifs attendent leur Messie, le nôtre est déjà venu, Jérusalem ne peut appartenir aux juifs !"


En 1903, Herzl a vu toutes les portes se fermer les unes après les autres devant lui. La mort dans l'âme, il propose aux délégués un plan de remplacement qui a l'appui de la Grande-Bretagne, visant à créer un état juif en Ouganda, alors colonie britannique. Le "roi Herzl" est alors accueilli par les délégués du congrès aux cris de "Herzl tu es un traître" et ces derniers de lui rappeler le fameux serment de Bâle "Si je t'oublie Jérusalem !"


C'en est trop pour Herzl. Vieilli, appauvri, épuisé, il meurt l'année suivante à l'âge de 44 ans, tel Moïse au seuil de la terre promise. Son ami William Hechler recueille ses dernières paroles "Mes salutations à Eretz Israël, j'ai donné mon sang pour le bien de mon peuple !"


Quelques temps auparavant, Herzl écrivait : "un jour, lorsque l'Etat juif sera créé, tout paraîtra simple et naturel, mais peut-être alors un historien équitable trouvera-t-il que c'était tout de même quelque chose de remarquable qu'au moment de la plus basse dégradation du peuple juif, à l'époque du plus vif antisémitisme, un pauvre journaliste ait pu transformer une masse divisée en une nation !"


Dans un livre prophétique Atneuland (terre ancienne, terre nouvelle), Herzl avait prévu déjà le rôle que jouerait le petit port de pêcheurs qu'était alors le village de Haïfa. Il avait compris qu'il deviendrait le grand port d'Israël et écrivait "vous m'enterrerez au sommet du Carmel (montagne qui surplombe Haïfa) pour que je puisse voir les bateaux qui ramèneront les fils de mon peuple !"


Mais pendant 45 ans, Herzl reposa en terre étrangère. Le 17 août 1949, ses cendres seront inhumées à Jérusalem sur une colline rebaptisée "Mt Herzl". De longues et imposantes obsèques lui furent faites. Devant le catafalque, l'Israël, auquel Herzl avait rêvé toute sa vie, défilait. Là se pressaient les rescapés des camps de la mort, tandis qu'une immense banderole proclamait la parole du prophète Ezechiel "J'ouvrirai vos tombes et je vous ramènerai dans le pays d'Israël !" (Ez. 37). Alors retentit le son plaintif du shofar : la corne de bélier qui annoncera le jour de la rédemption : "Heureux le peuple, déclara alors Ben Gourion, auquel il est donné de réaliser le rêve de son peuple et d'accomplir son message". Le roi Herzl était revenu chez lui dans le pays dont il avait dit :


"Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve"



Tombe de Theodor Herlz sur le Mt Herzl



Article paru en 1988 dans le Hashomer n°43 Israël an 40



Crédit photo 1 : Carl Pietzner, Public domain, via Wikimedia Commons

Crédit photo 3 : Marco Plassio, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons


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