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La terre d’Israël est-elle le cinquième Evangile ?

Dernière mise à jour : 25 avr. 2023

Article du Keren n°117 de septembre 2018


Le cinquième évangile ? C’est ce que déclarait Ernest Renan, professeur au Collège de France au 19e siècle, à son retour d'un voyage en Israël, comme tant d'autres à cette époque. La terre d'Israël fut en quelque sorte redécouverte par les occidentaux à cette période, alors que depuis les croisades, elle était redevenue pour eux « Terra incognita ».


Ernest Renan venait de redécouvrir que la Bible ne peut être séparée de son environnement géographique et qu'il existe, notamment dans les évangiles, une véritable « géographie spirituelle ». Prenons quelques exemples.


Galilée des nations


Selon Esaïe 9, la région du lac, véritable carrefour de routes de l'Antiquité, était tombée aux mains du roi d’Assyrie Tiglat Pileser3. Ce faisant, l'ombre de la mort avait envahi cette région, la première à tomber aux mains des assyriens. En outre, le roi, après en avoir déporté la population israélite, l’avait repeuplé avec des païens. De ce fait, cette région était devenue la « Galilée des nations », c'est à dire le district des nations.


Et pourtant, nous dit le prophète, c'est dans cette région que brillera la lumière du Messie. De nos jours encore, l'ancienne tradition situe dans cette région la venue du Messie. Il ne faut donc pas s'étonner qu'à l'époque du Nouveau Testament cette région était le point focal d'une ardente attente messianique, d'où le choix que Jésus en fit comme centre de son ministère terrestre.


À peu près à la même époque, surgit dans cette région un faux messie nommé Juda le Galiléen, qui fonda le mouvement zélote avant d'être exécuté par les romains. Il est cité par Gamaliel dans le livre des Actes. Entre Jérusalem et Nazareth se trouvait le village de Cana dont le nom provient de la racine « zèle », qu'on retrouve dans le mot « zélote ».


Flavius Josephe déclare que ce village était en effet un centre important du mouvement zélote. Ainsi, la Galilée devint le lieu privilégié de la manifestation de Jésus. Pour lui, c'était aussi un lieu de refuge. Là, il était assuré de recevoir un bon accueil. Quatre de ses principaux disciples étaient originaires de Galilée : Philippe de Beth Saïda, Pierre et André de Beth Saïda également et Nathanaël de Cana.




Le Jourdain


Dans la Bible, ce fleuve, la principale des rivières d'Israël, est un fleuve sacré. C'est la frontière du pays promis et l'image du fleuve de la vie. Josué et Elie l'ont traversé à pied sec. C'est pourquoi Jean-Baptiste, nouvel Élie, se tient auprès du Jourdain où il baptise. C'est là que, lors du baptême de Jésus, le ciel s'ouvre et le Saint-Esprit, signe eschatologique, annonce les temps messianiques


De la mer à la montagne


La montagne joue un rôle essentiel notamment dans l'évangile de Matthieu. Il y est fait souvent allusion à La montagne, dont l'emplacement géographique n'est jamais précisé. C'est en quelque sorte une montagne spirituelle et surtout, le lieu où Jésus, nouveau Moïse selon Deutéronome 18, donne sa Torah, à l'instar du grand législateur, en sorte que cette montagne devient un deuxième mont Sinaï où le prophète donne une deuxième Torah.


C'est sur cette montagne qu'Il se retire pour prier et c’est sur cette montagne qu'Il donne rendez-vous à ses disciples après la résurrection pour les envoyer prêcher l'évangile à toutes les nations. Mais Matthieu évoque, outre la montagne dite « des béatitudes », quatre autres montagnes : celle qui sert de lieu de guérison des malades, celle où Il appelle les douze dans Matthieu 15 verset 28, la montagne de la transfiguration et enfin le mont des oliviers.


Citons aussi la montagne de la multiplication des pains, dans un lieu désert, comme un rappel de la manne qui fut donné par Moïse dans le désert. Le même miracle se reproduit… Enfin, la montagne de la tentation dans Matthieu 4 verset 8, identifié aujourd'hui avec le djebel Quarantal qui surplombe Jéricho. Dans la Bible, la montagne est un lieu où se manifeste l'autorité divine. C'est pourquoi, c'est sur la montagne que Jésus prie, qu'Il guérit les malades et appelle ses disciples pour leur faire partager son autorité.




La mer


Dans la Bible, c'est le symbole de la mort, un lieu mouvant où tous les repères s'estompent. Elle est remplie d'animaux dangereux, de monstres marins symboles des puissances des ténèbres. Elle est aussi appelée « l'abime » et devient ainsi le symbole de l'enfer (Genèse 1 verset 2). Selon le prophète Michée, au temps de la fin, Dieu y jettera les péchés de son peuple. Exode 14 et 15 évoque ce que la tradition juive appelle « la déchirure de la mer » et les chrétiens « le passage de la mer rouge ».


En déchirant celle-ci, Dieu manifeste sa victoire sur les puissances des ténèbres qui avaient asservi son peuple en Égypte. Et Esaïe l’appelle aussi Rahav, autre désignation de l'Égypte. En triomphant des puissances infernales qui ont asservi son peuple, Dieu renouvelle l'œuvre de sa création quand Il avait séparé la mer du sec pour rendre la terre habitable. Le renouveau de ce miracle manifeste la venue du Royaume de Dieu.


C'est une nouvelle création, une réalité nouvelle et le cantique de la mer d'Exode 15 mentionne pour la première fois dans la Bible la royauté divine en déclarant : « l'Eternel régnera d'éternité en éternité ».


Dans le livre de Daniel, les quatre bêtes représentant les quatre empires oppresseurs d'Israël, montent de la mer (Daniel 7 verset 2 et 3). On retrouve ce même phénomène en Apocalypse 13 où la 4e bête de Daniel représentant l'antichrist monte aussi de la mer.

Le psaume 46 évoque le fait que les nations rebelles contre Dieu grondent comme les vagues de la mer et pourtant Dieu leur a fixé une barrière infranchissable co

mme Il l'a fait pour les vagues de la mer, de sorte que le peuple de Dieu n'a rien à craindre de leur vaine colère.


Dans l'évangile Jésus traverse la mer pour aller sur l'autre rive à la rencontre du possédé de Gadara, pour affronter les puissances infernales et les vaincre en la personne de la légion de démons qui habitait ce malheureux. Mais auparavant, Jésus doit affronter sur la mer une tempête, manifestation de la colère de Satan qui devine ce qui va se passer sur l'autre rive. Il cherche ainsi à empêcher Jésus d'accomplir la libération de cet homme.

Mais Jésus, d'un mot, calme la tempête. Cela veut dire qu'Il triomphe des puissances de la mort cherchant à l'engloutir, de sorte que la tempête apaisée est une prophétie de la résurrection. C'est aussi sur la mer qu'il marche, autrement dit qu'Il la foule aux pieds. Il montre ainsi qu'Il exerce sur elle là sa domination, ce qui est aussi un signe qu'Il a toute puissance sur la mort même et sur les puissances infernales qui y sont associées.


Notons que, selon Matthieu 14 verset 22, c'est à l'époque de Pâques qu’a lieu cet événement, c'est à dire à l'époque où a eu lieu la déchirure de la mer Rouge. Les évangiles veulent ainsi nous dire que le miracle qui eut lieu alors se reproduit et l'on sait que c'est précisément à l'époque de Pâques que cette victoire sera pleinement manifestée lors de la résurrection corporelle de Jésus.




La montagne


C'est là qu'est situé le trône de Dieu : « avant que les montagnes fussent nées, d'éternité en éternité, Tu es Dieu… » a dit Moïse dans le psaume 90. C'est aussi un lieu de refuge selon le psaume 120. Les pèlerins vers Jérusalem déclarent : « je lève les yeux vers les montagnes… ».

Jérusalem, en effet, est situé dans les montagnes ; c'est là que Dieu se révèle, qu’il y fait résider son nom, c'est à dire sa personne, c'est là qu'on peut contempler Sa face.


Selon Esaïe 2, aux temps de la fin, la montagne du temple s'élèvera au-dessus de toutes les autres montagnes et sera le but du pèlerinage eschatologique des nations qui diront : « montons à la maison du Dieu de Jacob pour qu'il nous enseigne ses voies ». L'image de la montagne où Dieu réside évoque le fait que, pour chercher Dieu, il faut fournir un effort sur soi-même comme lorsqu'on gravit une montagne. C'est pas après pas, étape après étape que l'on parvient à connaître Dieu. C'est un cheminement difficile et c'est la raison pour laquelle ils s’en trouvent peu qu'ils fassent cet effort.


La Bible évoque une montagne particulière : le mont des Oliviers, montagne des choses dernières, selon Zacharie 14 et par conséquent, montagne de la résurrection. C'est pourquoi jusqu'à nos jours, et cela depuis des temps immémoriaux, nombre de juifs se font enterrer sur les pentes du mont des Oliviers, espérant un peu naïvement que plus on se rapproche du lieu où auras lieu l'Evénement, plus on aura de chances d'y participer. La montagne des Oliviers est la montagne de l'Orient. Orient vers lequel on se tourne, car de là vient de la lumière (Zacharie 14, Ezéchiel 43 verset 2 à 4).


C'est à Béthanie, sur la montagne des Oliviers, que lors de la résurrection de Lazare, Jésus a déclaré : « je suis la résurrection et la vie ». C'est sur cette montagne qu'Il prononça son grand discours sur la fin des temps (Matthieu 24, Marc 13, Luc 21). C'est là, enfin, qu'Il fut enlevé au ciel lors de l'ascension et que, selon Actes 1, il reviendra au dernier jour.


Les routes


Mathieu, au chapitre 9 verset 35, nous dit que Jésus parcourait les routes et les villages. La terre d'Israël, en effet, est un carrefour de routes internationales de la plus haute importance. C'est donc une terre où l'on rencontre de nombreux voyageurs. C'est vers elle qu’Abraham se mit en route, ainsi que nombre d'hommes de Dieu évoqués dans l'Ecriture. Mais la route est aussi un symbole de la parole de Dieu.


En effet, les Psaumes exhortent leurs lecteurs à marcher dans les voies de Dieu, ses commandements. Esaïe pour sa part déclare : « vous entendrez derrière vous la voix qui vous dira : voici le chemin, marchez-y ! ». C'est ainsi que, dans le judaïsme, naît la notion de Halakha, du verbe Lalekhet, qui signifie « aller, marcher ». La Halakha est la manière pratique de marcher selon les commandements divins. On retrouve une autre idée semblable dans le judaïsme : « Derekh ha haretz », littéralement « le chemin de la terre », expression qui désigne toute une littérature ayant pour but de définir comment se comporter dans la vie courante pour être agréable à Dieu et aux hommes.


Nous retrouvons cette même littérature dans le Nouveau Testament, par exemple dans l'épître aux Ephésiens où Paul déclare : « de même que vous avez reçu le Messie, marchez en Lui ». Ou encore : « autrefois vous étiez ténèbres, maintenant vous êtes lumière. Marchez comme des enfants de lumière ». Quant à Jésus, il déclare : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ». L’Ecriture déclare qu’aux temps de la fin, Dieu tracera une route dans le désert pour ramener son peuple dans le pays promis. Cette route conduira à Jérusalem, qui en sera le but. Dans toute la littérature biblique, un autre thème revient constamment : celui de 2 routes : la route qui mène à la vie et la route qui mène à la mort.


A la fin du de Deutéronome, Moïse déclare : « j'ai mis devant toi deux chemins : celui de la vie et celui de la mort, la vie si tu marches dans mes commandements, la mort si tu t'en détournes. Choisis la vie afin que tu vives. »


On retrouve cette idée dans le livre des Psaumes : « l'Eternel connaît la route des justes, mais la route des méchants conduit à la perdition ». C'est aussi le thème du livre des Proverbes qui situe le lecteur devant le choix entre la route de la sagesse et la route de la folie. C'est aussi ce que l'on trouve chez les prophètes, notamment chez Jérémie, qui évoque les routes qui égarent, c'est à dire les chemins des idoles des nations.


Il déclare encore : « le pécheur a suivi les chemins de son propre cœur ». Le célèbre texte d’Esaïe 53 affirme : « nous tous, comme des brebis, nous nous sommes égarés. Chacun a suivi ses propres voies ». Enfin, on retrouve ce thème chez Jésus, avec la parole des deux chemins : la voie large et le chemin étroit.


C'est aussi le thème que l'on retrouve à Qumran et dans la littérature judéo-chrétienne ancienne, comme « l'enseignement des 12 apôtres aux nations ». En résumé, Jésus conduit son peuple de la mer de Galilée, situé à plus de 200 mètres au-dessous du niveau de la mer, donc un des points les plus bas du globe avec la mer morte, jusqu'à la plus haute montagne. La Galilée, on l'a vu, reste le pays de « l'ombre de la mort » : pour rencontrer Dieu au travers de Jésus, il faut d'abord s'abaisser, s’humilier en descendant car celui qui s'élève sera abaissé et celui qui s'abaisse sera élevé.


Alors ensuite on peut gravir la montagne, lieu de la rencontre avec Dieu, de sorte que le message des évangiles peut se résumer par cette parole : « vous deviendrez ce que vous n'étiez pas ». Il est à noter que ceux qui marchent dans les ténèbres et l'ombre de la mort verront briller une grande lumière, car sur la montagne, Jésus déclare : « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde ».




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