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Jean-Baptiste était-il Essénien ?

Dernière mise à jour : 10 juil. 2023


C'est ce que l'on a parfois pensé. Déjà même avant les découvertes de Qumran, cette hypothèse avait été avancée.


Il est vrai que l'on peut trouver un certain nombre de points communs entre Jean-Baptiste et les gens de Qumran. D'abord la même région géographique, la même vie ascétique, le baptême très important à Qumran et qui était la spécificité de Jean-Baptiste.

On a donc pensé que Jean-Baptiste, qui avait grandi dans les déserts, avait été initié par les Esséniens puis, pour une raison inconnue, avait rompu avec eux pour créer son propre mouvement. En fait, quand on regarde le problème d'un peu plus près, on se rend compte que les différences entre Jean-Baptiste et Qumran sont plus nombreuses que les points communs.


Jean-Baptiste se voulait un prophète à l'exemple d'Elie dont il portait le vêtement. Il vivait dans les environs du Wadi Kelt, à l'est de Jéricho, qu'on assimile au torrent de Kérith où Elie avait été nourri par les corbeaux.

Jean-Baptiste annonçait la venue imminente du règne messianique, inauguré par le jugement eschatologique évoqué en Daniel 7. Certes, les gens de Qumran partageaient ce point de vue ; comme Jean-Baptiste, ils étaient sortis au désert afin d'y préparer les sentiers du Seigneur.


En fait, il semble bien que le mouvement de Qumran accordait une grande importance à la vie communautaire, même si certains, selon Flavius Josèphe qui était lui-même initié à l'essénisme, menaient une vie d'ermite, seuls dans le désert, à l'instar de Jean-Baptiste.

De nombreuses sources laissent supposer que, dans la région du Jourdain, fleuve sacré, existaient de nombreux mouvements qui attribuaient aux ablutions effectuées dans le Jourdain une valeur importante, y compris thérapeutique, à l'exemple de Naaman qui avait été purifié de sa lèpre.


Jean-Baptiste était sans doute plus proche de ces gens-là que des Esséniens.



Le désert


Jean vivait à environs cinq heures de marche de Qumran, ce qui laisse supposer que pour le moins, il n'ignorait pas l'existence de cette communauté. Josèphe déclare que les Esséniens avaient pour habitude d'initier les jeunes gens à leur doctrine. Il n'est pourtant pas évident que Jean-Baptiste ait bénéficié de cette éducation. En effet, son père Zacharie était un prêtre fidèle au Temple de Jérusalem, dont les Esséniens contestaient la légitimité ainsi que celle des prêtres en exercice.


La vie ascétique de Jean-Baptiste ne rappelle que de loin celle de Qumran : Jean-Baptiste se nourrissait des produits du désert pour annoncer, à la manière d'Ezéchiel, la misère qui attendrait le peuple élu s'il ne répondait pas à l'appel de Dieu.

En invitant le peuple à aller au désert, Jean-Baptiste accomplissait la prophétie d'Osée 2 v.16 "C'est pourquoi je l'attirerai au désert et là, je parlerai à son cœur". Ainsi, Jean-Baptiste renouait avec l'idéal nomade des prophètes qui voyaient dans le séjour au désert à l'époque de l'exode, le temps des fiançailles d'Israël et de son Dieu.


Se dépouiller pour aller au désert signifiait abandonner tout ce qui avait entraîné Israël à l'infidélité, notamment la vie facile ; c'était revenir à Horeb pour, au travers d'une purification dont le baptême était le signe, faire une rencontre nouvelle avec Dieu, afin d'y recevoir la nouvelle Alliance promise par Jérémie.



Selon Ezéchiel 20 v.37, le désert était aussi l'endroit où Dieu jugerait son peuple. La prédication de Jean portait essentiellement sur le jugement. Se repentir, confesser ses péchés, être baptisé étaient, comme le dit Paul en 1 Corinthiens 12, se juger soi-même pour échapper au jugement à venir.



La repentance


Comme celui des prophètes, le message de Jean était radical : seule la repentance et la mise en ordre de la vie garantissaient l'entrée dans le royaume messianique. Il fallait donc que l'âme souillée par le péché soit purifiée par la repentance pour que le corps puisse l'être par l'eau du baptême.

Cette idée se retrouve aussi à Qumran mais à la différence des Esséniens, Jean ne séparait pas ses adeptes du reste du peuple, considéré comme impur. Jean-Baptiste, au contraire, accueillait en priorité les pécheurs, les publicains, les soldats, les prostituées qui rejoignaient alors le reste d'Israël annoncé par les prophètes.


Le corps baptisé dans l'eau était alors mis à part pour participer à la résurrection des morts qui suivrait la résurrection du Messie (Romains 6).

Pour sa part, Jésus ne prêcha pas la vie communautaire telle que la concevait les gens de Qumran, mais il préconisa le partage des biens, "le superflu des uns pourvoyant au nécessaire des autres" (2 corinthiens 8 v.13), comme l'avait fait avant lui Jean-Baptiste et comme le fera après lui Paul. Puis, après les avoir baptisés, Jean renvoyait ses adeptes dans leur vie quotidienne.



Purification et baptême


Sur la question du baptême, à nouveau les différences l'emportent sur les similitudes. Tout d'abord, Jean jouait un rôle actif dans le rite : c'est lui qui baptisait tandis qu'à Qumran, l'intéressé prenait lui-même son bain de purification. Pour Jean, le baptême avait un sens eschatologique : il préparait le peuple à accueillir le Messie, à échapper au jugement et à entrer dans la vie éternelle par la résurrection. C'était donc un geste unique, accompli une fois pour toutes et non renouvelable. A Qumran au contraire, comme dans le judaïsme classique, le baptême était un rite qui devait être renouvelé.


Le baptême de Jean, en outre, en annonçait un autre : celui de l'Esprit, qui serait le fait du Messie. Aussi, le message de Jean était-il plus nettement messianique que celui de Qumran. Le Messie communiquera à Israël l'Esprit qui le renouvellera, selon Ezéchiel 36 v.37.


Ainsi, nous pouvons considérer, sans doute - bien que Jean ait connu les Esséniens et même ait eu un certain nombre de contacts avec eux - que les différences sont plus fortes que les points communs et mettent en évidence l'originalité de Jean. Il était l'Elie annoncé par Malachie, le dernier des prophètes de l'Ancien Testament et après une période de silence de quatre cents ans, "la Parole de Dieu fut révélée à Jean, fils de Zacharie dans le désert". Alors le ciel s'ouvre et l'Esprit qui, selon les rabbins, avait été retiré à Israël, se manifeste à nouveau.

Jean a donc connu les Esséniens mais n'a jamais été leur adepte. Il a été la charnière de deux dispensations, héritier, certes, de toute cette attente dont témoignent aussi les écrits de Qumran, mais pour introduire la réalité nouvelle de l'irruption du royaume de Dieu.



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