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  • Photo du rédacteurAyelet

Rachel Blaustein ou Rahel la poétesse


« Je ne t'ai pas chanté, mon pays,

Et je n'ai pas glorifié ton nom,

Par de victorieux exploits,

Par les prises de guerre.

Rien qu'un arbre -que mes mains ont planté -

Aux bords paisibles du Jourdain,

Rien qu'une sente – que mes pieds ont foulé -

A travers la campagne... »


Chantées par Hava Alberstein, ces paroles furent écrites par la poétesse bien connue en Israël, Rachel Blaustein, dite Rahel.

Qui ne connaît pas « Rahel », en Israël ? Ses œuvres sont au programme des écoles et de nombreux chanteurs chantent (encore) ses poèmes. Souvent nostalgiques, mélancoliques, mais aussi débordant d'amour pour la Terre d'Israël, ces textes simples mais empreints d'une grande profondeur et sans cesse reliés à l'histoire biblique nous ont donné envie de connaître davantage cette femme au destin tragique...


Sa jeunesse en Russie


Rachel Blaustein est née à Saratov en Russie en 1890, onzième d'une famille de douze enfants... Elle grandit dans un milieu juif traditionnel, avec un grand-père rabbin et des parents cultivés. Après le lycée russe, elle part à Kiev étudier la peinture avec sa sœur Suzanne.

Mais c'est l'époque des pogroms en Russie et alors que de nombreux juifs s'exilent en Amérique (2,5 millions de juifs russes), les deux sœurs en décident autrement.




Rachel Blaustein

Deux jeunes juives en exil


Rachel et Suzanne ont développé une grande ferveur sioniste et alors que la Seconde Alya (la seconde vague d'immigration sioniste) bat son plein, en 1909, elles décident de visiter Eretz Israël avant de rejoindre l'Italie.

Mais une fois dans le pays, l'amour pour leur peuple et sa terre est si fort qu'elles n'en repartent plus ! Elles veulent contribuer à donner à leur peuple une nouvelle vie, non plus en diaspora mais dans le pays antique de leurs ancêtres.

Elles s'inscrivent dès lors dans le mouvement des Haloutzim (les pionniers sionistes), dont la volonté est de prendre en mains leur destin. Ces jeunes filles ont une telle volonté de s'intégrer qu'elles s'interdisent toute conversation en russe entre elles, exceptée une petite heure par jour, suivant en cela les idées de celui que l'on peut appeler le « Père du renouveau de la langue hébraïque », Eliézer Ben Yéhouda. Celui-ci pensait, en effet, que la résurrection d'Israël en tant que Nation ne se ferait qu'au travers d'une langue commune, ciment indispensable à l'union du peuple juif.

Rachel s'installa à Rehovot où elle prit part à l'entretien des vergers.

Puis, toujours dans le but de progresser en hébreu, elle décida de travailler dans un jardin d'enfants.


Kinneret


Cette première étape atteinte, Rachel voulut s'engager résolument à la restauration de sa Terre.

En 1910, elle s'installa à Kinneret, près de la mer de Galilée. Là, elle fut la première étudiante de l'école d'agriculture pour filles, créée à l'instigation de l'agronome réputée Hana Meisel, elle-même professeur dans cette ferme-école. Rachel avait la belle intention de « jouer une mélodie avec la bêche et de tracer un dessin sur la terre... ».

Elle y rencontra aussi Aaron David Gordon, juif russe philosophe sioniste et religieux, qui fut un des penseurs qui eurent le plus d'influence sur la création des kibboutzim.


En 1911, un autre russe nommé Zalman Rubshov, qui avait lui aussi fait son alya, mais qui avait perdu ses illusions assez vite, avait décidé de repartir en Russie. Avant son départ, il passa à la Kvutzat Kinneret. Et en y arrivant, Zalman aperçut Rachel, toute de blanc vêtue et entourée de ses chèvres : magnifique tableau champêtre et biblique à la fois ! Il en tomba amoureux... Rachel persuada Zalman de rester en Israël, où il joua un rôle de première importance puisqu'il devint en 1963, et jusqu'en 1973, le troisième président de l'Etat d'Israël, plus connu sous le nom de Zalman Shazar !

Mais cette idylle n'alla pas plus loin...

Rahel vécut à Kinneret les plus beaux jours de sa vie. Elle séjourna ensuite à Dégania, premier kibboutz d'Israël. C'est à ce moment que Hana Meisel et Gordon lui demandèrent de partir en France, pour étudier l'agronomie à l'Université de Toulouse, afin de mieux contribuer à l'essor des fermes sionistes.


Nouveau départ et... retour en Russie


En 1913, elle quitta donc Israël pour Toulouse en France où elle se trouva être la seule juive et la seule femme parmi sa promotion d'étudiants... Cette période fut difficile pour elle.

Le début de la première Guerre Mondiale mit prématurément fin à ses études, mais Rachel ne put pas regagner Israël, qui se trouvait alors dans l'empire ottoman, ennemi de la France.


Elle apprit qu'un orphelinat juif d'Odessa en Russie manquait cruellement de personnel... Bien que cette décision lui coûtât énormément, c'est son amour pour son prochain et son grand cœur qui lui firent tirer un trait sur ses rêves et revenir dans le pays qu'elle avait fui autrefois...

Elle dispensa amour, attention et soins à ces enfants démunis. Elle vécut dès lors des jours de grande pauvreté. Cette misère, doublée d'une grande charge de travail firent resurgir une maladie pulmonaire contractée lorsqu'elle était enfant.

Pour subvenir à ses besoins, elle traduisait des poèmes, notamment de Bialik, pour des journaux russes, écrivait des critiques et faisait publier certains de ses poèmes.

C'est l'époque où Rachel changea : de gaie et enjouée, elle devint sombre, triste et brisée...


Israël, mon peuple...


Lorsque la guerre fut terminée, en 1919, elle put enfin revenir à ses amours : sa Terre d'Eretz Israël et son Peuple, qu'elle chérissait plus que tout ! De plus, elle était persuadée que sa maladie s'envolerait, une fois rentrée au pays...

Mais hélas, un jour comme les autres, alors qu'elle travaillait dans les champs du Kibboutz de Dégania, la jeune femme s'évanouit. On lui diagnostiqua la tuberculose, maladie incurable alors...

N'ayant plus assez de forces pour travailler la terre, elle demanda à s'occuper du jardin d'enfants. Mais au bout de quelques temps, son état empirant, elle fut quasiment chassée du kibboutz... Quand elle descendit les marches de la maison, il n'y eut personne pour lui dire au-revoir. Ces moments furent cruels...

Les quatre années qui suivirent furent des années d'errance solitaire.


Errance


Tout d'abord, elle partit à Petah Tikva, où elle enseigna l'agriculture dans une école de jeunes filles.

Puis, elle fut accueillie par son frère à Jérusalem. Mais, quelques mois plus tard, il l'envoya à Tel Aviv, en quarantaine, seule dans un appartement.

En 1927, Davar avait publié le premier recueil de ses poèmes, intitulé « Sapia » (Regain). Celui-ci fut suivi de « Mi négued » en 1930 (De loin, en écho au passage biblique où Moïse, juste avant sa mort, voit la Terre Promise « de loin... ») et d'un livre pour enfants.

Cette période d'isolement et de grande faiblesse physique furent pour elle source d'inspiration et elle composa alors de nombreux poèmes. « Ma Bible est ouverte sur le livre de Job », dira-t-elle alors...

En avril 1931, son état se détériora et elle mourut, le 16 avril, seule...


Dans un de ses poèmes, Rachel avait exprimé la volonté de reposer à Kinneret, là où elle avait vécu des jours heureux :


« Quand le destin décidera,

Habitant loin de ta région,

Je viendrai, Kinneret,

Pour dormir dans ton lieu de repos ! »


Tombe de Rahel, près du Kinneret

C'est donc dans ce petit jardin-cimetière qu'elle repose, aux côtés d'autres pionniers des deuxième et troisième alyas. C'est ainsi que l'on peut voir, au bord de la mer de Kinneret, à l'ombre des palmiers, avec pour chant le doux clapotis des vaguelettes venant se briser sur la rive tranquille, une tombe, sobre, avec pour seule mention gravée dans sa pierre claire « Rahel ». Et quelques tombes plus loin, une autre sur laquelle se trouve une photo où l'on reconnaît Naomi Shemer, la grande compositrice de chants !


« O mon Kinneret... O mon Kinneret,

Existes-tu ou suis-je en train de rêver ? »





Son œuvre


Dans ses recueils de poèmes, Rachel célèbre le rythme de la nature, des saisons, au travers de nombreuses scènes pastorales.

Elle y évoque le dur labeur des pionniers, l'amour pour son pays, comme par exemple, dans « A mon pays », qui reste l'un de ses plus beaux poèmes.

Toute sa poésie se nourrit des scènes et personnages bibliques. Elle a d'ailleurs repris, comme nom d'auteur, le nom de la matriarche Rahel. Mais son personnage biblique préféré reste Job, qui, comme elle, souffre et attend la guérison...

Ses écrits sont de véritables chants à eux seuls, où se mêlent la joie, la souffrance, l'aspiration à l'infini, au divin et qui résonnent comme des prières.

Rachel est dans une quête de la lumière et de la pureté. Rachel attend... Elle attend l'être aimé « Je t'attendrai jusqu'à ce que ma vie s'éteigne, comme Rahel qui attendait son bien-aimé » ; elle attend la guérison « Peut-être ma prison n'était-elle qu'un long rêve, sombre... » ; elle attend la consolation...


Ce que Rachel nous a transmis, c'est le vrai chant du Peuple... Un peuple qui a souffert et souffre encore, mais qui espère et se confie en son Dieu.




Crédit photo 2 : Par Valley2city sur Wikipédia anglais

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