Article écrit en 1989 par Jean-Marc Thobois
À retrouver dans le Keren n° 4 Antisémitisme : l’hydre aux cent têtes
Existe-t-il un « antisémitisme chrétien » ? Un tel antisémitisme est-il biblique ?
Il faut malheureusement reconnaître que l’antisémitisme professé par les églises apostâtes a formé un chapitre essentiel de l’histoire de l’antisémitisme, lequel n’a toutefois pas disparu ! Mais ce qui est le plus tragique, c’est que l’on a tiré des arguments du Nouveau Testament pour justifier cet antisémitisme au point que certains juifs sont convaincus que le Nouveau Testament lui-même est un livre antisémite. Qu’en est-il réellement ?
Le Nouveau Testament commence par la généalogie de Yéshoua fils de David, fils d’Abraham et s’achève par la description de la Nouvelle Jérusalem sur les portes de laquelle sont inscrits les noms des douze tribus d’Israël. C’est dire qu’il se présente d’emblée comme un livre juif, écrit par des juifs au sujet d’un juif nommé Yéshoua. Le seul auteur non-juif, Luc, était en fait un « craignant Dieu », donc proche du peuple juif. Il y a donc lieu de s’étonner que les antisémites aient pu utiliser ce livre pour combattre et avilir le peuple juif.
Un livre juif écrit par des juifs
Le Nouveau Testament est un livre juif et non grec, comme l’a fort bien montré le professeur Klausner. Les découvertes de Qumran n’ont fait que confirmer cette thèse. Il est rempli du rappel de coutumes juives. Ainsi Yéshoua Hamashiah est circoncis le 8e jour, ses parents offrent dans le temple le sacrifice de rachat des premiers-nés, prévu par la Thora. Les parents de Jean-Baptiste étaient de stricts observateurs de la Thora, issus d’une vieille famille de prêtres. Yeshoua Hamashiah lui-même et ses disciples après lui, fréquentaient les synagogues et le temple. Il n’est pas jusqu’à l’épître de Jacques, qui selon le professeur Klausner, aurait pu être écrite par un taana, c’est-à-dire par un des rabbins de la première génération avant la destruction du temple.
Parce qu’il est un livre juif, le Nouveau Testament est aussi un livre critique à l’égard des juifs. En effet, un des traits caractéristiques de la littérature hébraïque réside dans la capacité d’auto-censure qui est la sienne. Déjà, les prophètes n’avaient-ils pas souligné les péchés et les fautes du peuple ? Yéshoua Hamashiah s’est conduit à cet égard comme un prophète et plus particulièrement comme Jérémie. Il ne viendrait à l’idée de personne de qualifier le Tanach, l’Ancien Testament ou les prophètes, d’antisémites ? Or, certaines invectives des prophètes de l’Ancien Testament vont bien au-delà de celles du Nouveau Testament. La littérature talmudique contient d’ailleurs elle aussi de semblables imprécations.
Il est vrai que certains antisémites se sont aussi servis des reproches vétéro-testamentaires dans de malveillants desseins. Mais une chose est de censurer avec amour pour redresser ce qui a besoin de l’être, une autre est de chercher à écraser et détruire par haine.
Jamais les premiers disciples n’ont eu de semblables intentions, c’est bien certain ! Ils étaient juifs et aimaient leur peuple, ils voulaient son salut. Pour eux, le message de Yéshoua Hamashiah était l’accomplissement de leur judaïsme. Leurs écritures étaient celles qui étaient communes à tous les juifs (1 Timothée 3 v.16). Quant aux païens convertis de la première heure, tous étaient des « craignant Dieu », c’est-à-dire des gens proches du judaïsme pour lesquels Israël était la maison spirituelle.
L’accusation de déicide
Cheval de bataille de l’antisémitisme chrétien, c’est un thème étranger au Nouveau Testament, même si on a cru pouvoir l’établir sur les récits évangéliques de la passion. Il est remarquable que ni dans les actes, ni dans les épîtres, ce thème n’apparaît dans la polémique judéo-chrétienne. Comment d’ailleurs en serait-il autrement, alors que l’affirmation centrale du Nouveau Testament est justement que la mort de Yeshoua Hamashiah est un sacrifice propitiatoire pour les péchés de tous les hommes, juifs et non-juifs ? Dans ce cas, à quoi rimerait la mort de Yéshoua Hamashiah ? Cela signifierait que son sacrifice est insuffisant.
Juifs ou judéens ?
On a aussi souvent fait grand cas de l’expression « les juifs » qu’on trouve dans l’Evangile de Jean pour désigner les ennemis de Yeshoua Hamashiah. C’est oublier que Yeshoua Hamashiah et ses disciples étaient eux-mêmes juifs, mais non Judéns. On sait aujourd’hui qu’à cette époque la tension entre juifs de Judée et juifs de Galilée était vive ! Le terme grec Judaoi peut signifier à la fois membre du peuple juif et habitant de la Judée. Il est clair que l’Evangile de Jean emploie cette expression en général dans le deuxième sens, voire par exemple Jean 7 v.11 où Nicodème s’entend répondre que « de Galilée, il ne vient pas de prophète ». Voir aussi Actes 2 v.7 et Thessaloniciens 2 v.14-16, où Paul emploie cette même expression dans le même sens. Il faut prendre garde à ne pas plaquer sur la lecture du Nouveau Testament des clichés hérités des controverses judéo-chrétiennes ultérieures et qui lui étaient alors étrangères. Ces controverses sont nées après les deux révoltes juives, quand l’église s’est trouvée composée d’une majorité de non juifs.
Il est piquant de constater que les chrétiens d’origine païenne ont cherché alors d’autres boucs émissaires… en la personne des juifs, qu’on a alors accusés des péchés les plus invraisemblables.
Jusqu’à une époque récente, les sous-titres des Bibles chrétiennes reflétaient cette mentalité: ainsi tel passage des prophètes où étaient dénoncés les péchés d’Israël, étaient introduits par ce sous-titre : « les crimes des juifs », tandis que le chapitre suivant qui s’adressait au même public, portait comme mention : « la gloire future de l’église ». Cette dernière, en effet, se considérait comme le « nouvel Israël », s’appropriait les privilèges, les promesses d’Israël, mais lui laissait les devoirs, les malédictions et les jugements ! Israël était pour l’église surtout incarné par Judas Iscariot et les pharisiens !
On oublie que si le Nouveau Testament stigmatise les péchés d’Israël, il ne fait aucune concession aux péchés des païens ! Qu’on relise à cet effet Romains 1 et 2, Ephésiens 2 v.12 où Paul décrit l’état de perdition de ces derniers sans Dieu (littéralement Atheoio = athées).
La lecture du nouveau testament suscite-t-elle la haine des juifs ?
Il y a quelques années de cela, Corrie Ten Boom recevait du gouvernement israélien l’honneur de planter un arbre dans « l’allée des justes » à l’Institut d’Etudes de la Shoa de Yad Vashem à Jérusalem. Corrie Ten Boom avait en effet été déportée au camp de Ravensbrück pour avoir caché des juifs pendant la guerre en Hollande.
Dans l’allocution qu’elle prononça à cette occasion, Corrie évoqué sa fierté d’avoir souffert, elle et les siens, aux côtés du peuple d’Israël et expliqua ainsi sa démarche : « depuis ma plus tendre enfance, mon grand-père nous a lu la Bible, Ancien ou Nouveau Testament. De cette manière l’amour d’Israël est venu en moi de façon tout à fait naturelle ».
On ne saurait mieux dire ! Le Nouveau Testament lu sans aucun préjugé, conduit tout naturellement le non juif à aimer Israël ! L’auteur de ces lignes peut en témoigner ! Ce fut pour lui un grand étonnement, parvenu au début de son adolescence, de voir qu’on pouvait utiliser les textes du Nouveau Testament pour combattre le peuple juif ! Le problème naît, quand on lit le Nouveau Testament avec des apriori et dans le cadre d’une tradition antisémite.
Un chrétien peut-il donc être antisémite ? Pas le véritable chrétien en tout cas ! Le message du Nouveau Testament, en effet, est clair et tout s’inscrit en faux contre cette abominable perversion ! Ce message, c’est que le salut des non juifs n’est pas venu en dehors, ni à côté de l’histoire d’Israël, mais comme une partie intégrante de cette histoire. Haïr le juif, c’est donc rejeter Yéshoua Hamashiah, car Yéshoua Hamashiah était juif et non palestinien ou aryen et ne peut être séparé de l’histoire juive ! Pour Paul, il est né d’une femme sous la Thora, pour être le serviteur des circoncis afin de conformer ma vérité des promesses faites aux patriarches, afin que les nations aussi glorifient Dieu, ainsi qu’il est écrit « louez-le, nations avec son peuple ! » Ainsi la louange des nations n’existe pas indépendamment de celle d’Israël. Yéshoua Hamashiah est à la fois fils de David, ainsi que le rappelle Matthieu dans sa généalogie, et fils d’Adam selon celle de Luc, les deux éléments étant inséparables.
Il est intéressant de noter que Maxime Gorki, un des fondateurs du communisme, avait bien compris la nature profonde de l’antisémitisme quand il disait « les juifs sont haïs parce qu’ils ont donné Jésus au monde ! ». Or, pour les vrais croyants, les juifs sont, pour cette raison même, l’objet de leur reconnaissance et de leur affection. Yeshoua Hamashiah est pour eux, Celui grâce Auquel ils ont eu accès au salut qui avait été d’abord promis à Israël. Comment dès lors, à moins d’être les derniers des ingrats, pourraient-ils haïr Israël pour quelque motif que ce soit ? Et comment ne pas espérer et prier pour que vienne le temps où Israël et les nations parmi lesquelles les frères ennemis d’aujourd’hui enfin réconciliés et réunis en Lui, loueront le Seigneur de l’Univers ?
Crédit photo : Ecclesia et Synagoga à l'entrée de Notre-Dame-de-Paris. Symbole de l'aveuglement des juifs qui n'ont pas reconnu leur Messie, contrairement au christianisme, qui se proclame alors digne d'être le seul "véritable Israël".
Nitotderivative work: Ingsoc (talk)Notre-dame-paris-3rd-statue-west-side.jpg: Nitot / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5)
Magnifique !!!!