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Turquie : la renaissance de l’empire ottoman

Dernière mise à jour : 25 avr. 2023


Rajout de 2023 : depuis cet article paru en 2020, la Turquie a légèrement changé son fusil d'épaule. Et pour cause ! En juin prochain, les élections présidentielles risquent d'être difficiles pour le président Erdogan qui est confronté à une crise économique importante, à un certain isolement diplomatique et à une contestation intérieure de plus en plus forte.


La série de séismes enregistrée en ce début de février 2023 ne va rien arranger. Les régions les plus touchées sont des régions peuplées par des kurdes, dont certains groupes "politiques" sont accusés de terrorisme par Ankara (un attentat a fait 6 morts, en novembre 2022). Des régions entières sont dévastées et des milliers d'habitants sont sans toit. Sans parler des 21 000 morts (Turcs et Syriens) de cette terrible catastrophe.


Dans ce contexte général, Erdogan a donc mis de l'eau dans son vin pour faire des efforts envers Israël et d'autres pays arabes de la région. Mais peut-être est-ce trop tard pour assurer son renouvellement politique. D'autant que le président turc embarrasse l'OTAN : l'organisation atlantiste souhaite intégrer la Finlande et la Suède. Mais en l'absence de l'accord de la Turquie (elle-même membre de l'OTAN), ces deux pays ne peuvent intégrer l'alliance, dans un contexte de tension croissante avec la Russie, voisine des pays scandinaves, avec qui la Turquie entretient des relations ambigües.





Depuis plusieurs années maintenant, la Turquie mène une politique étrangère conquérante et offensive, menaçant la stabilité du Moyen Orient et plus généralement du monde. Erdogan s’érige en nouveau sultan voire en nouveau calife (chef de l’Islam) en instrumentalisant la cause musulmane. Cette prise de position est un revirement total par rapport à l’héritage laissé par Mustapha Kemal Atatürk (1923-1938), fait de laïcisation et d’occidentalisation. Comment cette politique agressive déstabilise le Moyen Orient et comment Israël en est impacté ?


Réislamisation de la Turquie


Arrivé au pouvoir en 2002 avec un programme promouvant l’Islam politique, Recep Tayyip Erdogan a considérablement changé le visage de la Turquie. Son grand cheval de bataille fut de revenir sur la modernisation des mœurs et de la culture turque, par un retour à l’Islam et aux valeurs traditionnelles. En quelques années, le parti présidentiel (l’AKP) parvient à éliminer la plupart de ses opposants, par la terreur s’il le faut.


En 2016, un coup d’état militaire est déjoué par le gouvernement d’Erdogan. Erdogan en profite et mène une purge à grande échelle dans la haute hiérarchie militaire. Plus de 50 000 personnes sont arrêtées et près de 140 000 fonctionnaires sont démis de leur fonction suite à cette tentative de putsch. Les médias anti-Erdogan sont supprimés. L’autoritarisme turc se renforce considérablement. L’impact de cet événement est immense : les grands généraux de l’armée turque étaient les gardiens de la République laïque. Le dernier rempart à la dictature d’Erdogan vient de tomber…


Les mosquées se répandent, le voile est devenu presque obligatoire dans la rue, Il est loin le temps de la Turquie émancipée d’Atatürk, lui qui avait remplacé l’alphabet arabe par l’alphabet latin, qui avait aboli la polygamie ou le port du voile des fonctionnaires, qui avait remplacé le calendrier musulman par le calendrier grégorien… Pire, qui avait osé abolir le califat, alors aux mains des Ottomans !


C’est là l’un des points essentiels pour comprendre la politique d’Erdogan. Le rêve de celui-ci est de recréer un califat islamique d’ici 2024, date du centenaire de l’abolition du dernier califat. Erdogan s’imagine déjà en sultan à la tête du monde musulman. Et dire que ce pays a failli rentrer dans l’Union européenne…


Un empire néo-ottoman conquérant


Sur la scène internationale, la Turquie ne cesse de se présenter comme la gardienne de l’Islam. L’enjeu se situe premièrement en Europe, où la population d’origine turque est nombreuse. Dans ses discours, Erdogan appelle cette population turco-européenne à ne pas se fondre dans la société « décadente » occidentale mais à revenir à l’Islam, à conserver sa langue et ses valeurs…


La présence en Europe d’un mouvement islamiste turc (Milli Görüs), proche d’Erdogan, sert à renforcer le séparatisme de la population musulmane européenne d'avec la société « mécréante ». Erdogan souffle également sur les braises du nationalisme turc, ce qui pousse les immigrés turcs présents eu Europe à se détacher de leur pays d’accueil. Le néo-sultan joue aussi la carte de la victimisation : les populations musulmanes seraient marginalisées en Europe (islamophobie) d’où le rejet de l’Occident.

Par ce biais, Erdogan s’attache la sympathie des masses musulmanes présentes en Europe. Ce fut notamment le cas lors de l’affaire récente des caricatures de Mahomet. Suite à leur republication, la Turquie néo-impériale a lancé une campagne de diabolisation de la France qui s’est répandue dans tout le monde musulman.


Erdogan prend constamment position pour les mouvements les plus radicaux musulmans. Ainsi, lors de la guerre civile syrienne, Erdogan a soutenu des groupes « rebelles » (comprendre salafistes) et a même mené des négociations avec l’Etat Islamique et protégé plusieurs de ses combattants.


En 2018 et 2019, l’armée turque a lancé deux offensives majeures dans le nord de la Syrie, aidée par des mercenaires djihadistes. En Libye, la Turquie soutient le gouvernement de Fayez Al-Sarraj, proche des Frères musulmans. Pour cela, Erdogan n’a pas hésité à amener en Libye des centaines de combattants djihadistes syriens.


La Turquie s’est aussi positionnée aux côtés de l’Azerbaïdjan lorsque les Azéris s’en sont pris aux Arméniens du Haut-Karabagh. Là aussi, Ankara a envoyé des djihadistes syriens (environ 4000) pour soutenir l’armée azérie. Rappelons au passage que la Turquie a toujours nié le génocide arménien (1915-1916).


Erdogan se montre également très menaçant envers la Grèce (nous y reviendrons), mais aussi envers la France. En octobre, plusieurs incidents ont eu lieu en mer Méditerranée entre les navires de guerre de la marine française et les navires turcs.

Petit à petit, la Turquie du néo-sultan crée ou recrée un empire dans le pourtour méditerranéen. Usant du nationalisme (et Islamisme) et d’un décorum martial, Erdogan a déjà rendu aux Turcs leur grandeur perdue à la fin de la Première Guerre Mondiale.




Israël : basculement d’une alliance


La diplomatie est faite de renversements d’alliances constants. Les États n’ont pas d’amis mais uniquement des intérêts, selon la formule consacrée. C’est particulièrement vrai dans le cas de l’alliance turco-israélienne.

Jusque dans les années 2010, l’état hébreu vivait une véritable lune de miel avec la Turquie. L’armée israélienne participait à des exercices de grande envergure aux côtés de son homologue turc. Il faut dire qu’entre les années 1990 et 2010, l’ennemi commun était le terrorisme (islamique pour Israël, kurde pour la Turquie). Le domaine du contre-terrorisme était l’un des piliers de la bonne entente entre les deux pays. Il se murmure même que le Mossad aurait aidé les services de renseignements turcs dans l’arrestation du leader du séparatisme kurde, Öcalan.


La Grèce était alors farouchement anti-israélienne et antiturque, renforçant la coopération entre les deux pays. En outre, il s’agit des deux protégés des États-Unis au Proche Orient pour des raisons stratégiques.


Cette relation cordiale s’explique assez facilement : la Turquie, bien qu’en majorité musulmane, n’était alors pas aussi islamisée qu’aujourd’hui et comme Israël, était une puissance isolée. En effet, la Turquie a toujours plus ou moins souffert de la concurrence des grandes puissances régionales que sont la Russie, l’Iran ou encore l’Egypte.


En 2010 pourtant, le divorce est consommé. Après plusieurs années de dégradation, les relations deviennent franchement hostiles. En effet, depuis l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, la réislamisation de la Turquie bat son plein sous l’égide de son parti AKP, proche des Frères Musulmans. Eclate, en 2010, l’affaire de la « flottille pour la paix » : un navire turc essaye de forcer le blocus maritime de Gaza afin de livrer des armes dans la bande.

Le parti pris pro-palestinien de l’AKP sonne le glas de la coopération pour devenir très hostile de nos jours.



La guerre du gaz


Israël a découvert dans ces mêmes années des immenses champs gaziers dans ses eaux territoriales, faisant de l’état hébreu l’une des puissances énergétiques de la région. La Grèce et Chypre également se trouvaient des ressources énergétiques. Ces découvertes ont fini de bouleverser la géopolitique du Moyen Orient. Désormais, Israël s’est rapproché des anciens ennemis Grecs et Chypriotes, pour former une nouvelle alliance ayant pour liens communs le gaz et le même ennemi : la Turquie.


Le projet de gazoducs reliant Israël à l’Europe, en passant par Chypre et la Grèce est venu sceller cette union. De son côté, Erdogan fulmine. Malgré ses efforts, il n’a pas trouvé l’once d’un litre de gaz ! D’où la politique agressive qu’il mène aujourd’hui dans les eaux grecques et chypriotes, qu’il tente de s’approprier en les revendiquant (en opposition totale au droit international).



L’armée grecque a renforcé ses relations avec Tsahal, dans l’optique d’un possible conflit avec la Turquie. Dans le milieu de la Défense, il se murmure que les généraux turcs ont un plan d’offensive contre certaines îles grecques déjà prêt. Et le manque de réactions du monde occidental aux dernières provocations d’Erdogan n’a pas rassuré la Grèce et Chypre, dans l’hypothèse d’une attaque. On se rappelle également que la Turquie occupe, depuis 1974, près d’un tiers de Chypre illégalement.


Pour la Grèce comme pour Chypre, Israël constitue l’un des seuls alliés solides sur lesquels ils puissent compter. Cette alliance est d’autant plus intéressante que Tsahal a pu s’entraîner pendant des années avec l’armée turque et connaît très bien son armement, qui est en grande partie américain (et allemand pour les chars).


Les Américains, justement, ne peuvent prendre position contre Erdogan d’une manière très ferme : Trump et Pompeo ont bien montré les dents, surtout après l’achat par la Turquie des systèmes anti-missiles S-400 russes.


En effet, les Turcs font partie de l’OTAN (Organisation du Traité Atlantique Nord) et constituent l’un des piliers de cette organisation. L’OTAN date de la Guerre Froide, durant laquelle les États-Unis ont formé un réseau de pays alliés pour « endiguer » l’URSS. Or, la Turquie était (et est) l’un de ces états pivots. En conséquence de quoi l’armée américaine dispose d’une énorme base militaire à Incirlik, avec notamment des bombes nucléaires, à proximité de la Russie et du Moyen Orient.





La Turquie, grand pays du nord…


Après avoir passé en revue l’actualité géopolitique, que nous enseigne la Bible à propos de la Turquie ? Tout d’abord, n’oublions pas l’importance qu’avait la Turquie, appelée alors Asie, dans les premiers siècles du christianisme. Il s’agissait d’un des centres, voire du centre, du christianisme primitif… Du second Israël ! Les sept églises mentionnées dans l’Apocalypse de l’apôtre Jean sont toutes des églises d’Asie mineure, grand lieu de passage de l’Antiquité, où les conversions s’étaient faites en grand nombre. Et aujourd’hui ? Que reste-t-il du christianisme en Turquie ?


Selon l’index de l’association Portes Ouvertes, la Turquie est au 36ème rang des 50 pays où les chrétiens sont le plus persécutés. La persécution est grandissante à cause des discours radicaux professés par le gouvernement turc. Des sept églises de l’Apocalypse, il ne reste que quelques ruines...


Le changement de relations entre Israël et la Turquie est très intéressant au regard des textes bibliques. En effet, la Turquie est l’un des pays mentionné dans la coalition menée par Gog, qui monte contre Israël au temps de la fin.


« Je te ferai sortir, toi (Gog) et toute ton armée[…]. Gomer et toutes ses troupes, la maison de Togarma, au plus profond du nord… » (Ez 38 v 6)

Gomer et Togarma étaient deux peuples du nord de l’Asie mineure, dans ce qui est aujourd’hui la Turquie.


Alors qu’une participation de la Turquie à une coalition contre Israël était difficilement crédible d’un point de vue géopolitique, il y a de cela quelques années, maintenant il s’agit d’une possibilité fort probable.

Erdogan est l’un des dirigeants les plus anti-israéliens à l’heure actuelle. Son soutien indéfectible à des causes terroristes en fait le chef de file de l’Islam radical. Erdogan finance par ailleurs le Hamas et le Djihad Islamique, dans la bande de Gaza, ainsi que l’Autorité palestinienne dans une moindre mesure.


La Turquie est, plus que jamais, proche de restaurer en partie le califat islamique aboli en 1924.




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