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Photo du rédacteurShoshana

Le jour où Einstein a refusé de devenir Président de l’Etat d’Israël


Le célèbre personnage, considéré comme l’un des plus grands scientifiques du XXème siècle, est surtout connu pour sa théorie de la relativité et pour sa formule E = MC². Bien moins connus, sa judaïté et ses relations avec le jeune état d’Israël de l’époque, ainsi que son investissement dans la cause sioniste. Et pourtant… Qui aurait pu cependant imaginer ce génie - dont la photo la plus connue est celle où on le voit tirer la langue - devenir le deuxième président de l’état hébreu ?



De l’assimilation à la cause sioniste


Albert Einstein naît à Ulm (Allemagne) en 1879, dans une famille juive assimilée. Alors que sa famille est non pratiquante, le jeune Albert devient à 11 ans « profondément religieux », refusant de manger du porc et composant même des Psaumes à la gloire de Dieu. Mais cette phase ne dure pas. Quelques années plus tard, il se déclare « sans confession », écœuré par la vague d’antisémitisme qui s’abat sur l’Europe. Einstein affirme ne pas croire en Dieu. Quant à sa judaïté, il atteste : « Pour moi la religion juive est, comme toutes les autres religions, l’incarnation d’une superstition primitive.»


Sur le plan scientifique, après plusieurs années difficiles durant lesquelles il n’arrive pas à vivre de ses travaux, la reconnaissance arrive enfin en 1905. Ses articles sont publiés dans des revues scientifiques renommées. Et sa célèbre théorie de la relativité générale lui vaut plusieurs médailles et prix scientifiques.

En 1922, c’est la consécration. Albert Einstein reçoit le prix Nobel de physique « pour ses contributions à la physique théorique et, spécialement, pour sa découverte de la loi de l’effet photo-électrique »


Einstein devient donc un scientifique renommé qui, malgré ses rapports houleux avec le judaïsme, soutient les mouvements sionistes. Il part d’ailleurs en Palestine en 1918, alors sous mandat britannique, pour l’inauguration de l’université hébraïque de Jérusalem dont il sera gouverneur non-résident jusqu’à sa mort et à qui il lèguera tous ses écrits et son patrimoine intellectuel.


Cependant, le physicien est critiqué pour ses travaux et subit des attaques antisémites en Allemagne… Il tente alors d’avertir du danger que courent les juifs d’Europe, les "membres de sa tribu", inquiet de la montée du nazisme dans son pays natal.



En 1933, sa résidence secondaire près de Berlin est pillée par les nazis. Einstein démissionne de l’académie de Prusse et quitte l’Allemagne pour les Etats-Unis. Il échappe ainsi aux persécutions et à l’Holocauste mais reste informé des horreurs commises en Europe… Président d’honneur de la Ligue contre l’antisémitisme, il lance un appel aux peuples civilisés et s’élève contre « les actes de force brutale et d’oppression contre tous les gens d’esprit libre et contre les juifs, qui ont lieu en Allemagne ».


Il suit également avec attention la création de l’Etat d’Israël en 1948. Et quelques jours après la fondation de l’état juif, il écrit le 19 mai 48 une lettre à Chaim Weizmann, son ami de longue date, qui deviendra le premier président du jeune état hébreu quelques mois plus tard. Einstein écrit notamment qu’on « ne peut pas dire que les gens puissants sur cette terre nous veulent du bien. Le jeu que les Anglais jouent avec nous est misérable, et l’attitude américaine semble ambivalente. Pourtant, je suis confiant que notre peuple dépassera cette première crainte et que nous vivrons pour faire l’expérience d’avoir su créer une communauté juive heureuse ».



« Le plus grand de tous les Juifs, peut-être le plus grand des hommes »


Le 9 novembre 1952, l'Etat d'Israël perd son premier président, Chaim Weizmann, à l’âge de 77 ans. Comme successeur à ce leader charismatique, le premier Ministre David Ben Gourion propose à Albert Einstein de devenir « le premier élu du peuple élu ». Il est effectivement un grand admirateur du scientifique qu’il considère comme "le plus grand de tous les Juifs, peut-être le plus grand des hommes".



Albert Einstein apprend la nouvelle dans les pages du New York Times. Un télégramme vient confirmer l'information à l’heure du déjeuner. Le savant sait que c'est une mauvaise idée car sa version du judaïsme ne fait pas l'unanimité. Plus tard, il aurait confié à sa fille : "Si je devais être président, j’aurais parfois à dire au peuple israélien des choses qu’il n’a pas envie d’entendre."

Ne parlant pas hébreu, il semble difficile de le voir assumer les charges de la fonction présidentielle (bien qu'en Israël le Président ne soit qu'un titre honorifique, sans réelle signification politique), mais il en aurait donné une image très valorisante. Critique dans ses orientations politiques, partisan d’une coexistence entre Arabes et Juifs, sa politique connaissait beaucoup de résistance au sein du gouvernement israélien de l'époque.


Le 18 novembre 1952, Albert Einstein présente son refus officiel, dans une lettre à l'attention de l'Ambassadeur d'Israël aux Etats-Unis :


"Cher monsieur l’Ambassadeur,

J’ai été profondément ému par l’offre qui m’a été faite au nom de notre État, Israël, mais aussi triste et bouleversé car il m’est impossible d’accepter cette offre. M’étant, toute ma vie, consacré au monde des objets, je n’ai, ni la capacité naturelle, ni l’expérience nécessaire pour m’occuper du monde des hommes et pour occuper des fonctions officielles.


C’est pourquoi, même si mon âge avancé n’avait pas, de toute façon, limité mes forces, je n’aurais pas été en mesure de remplir les obligations d’un tel poste. Tout ceci est très pénible pour moi, et ce, d’autant plus que mes rapports avec le peuple juif sont devenus la chose à laquelle je suis le plus attaché depuis que j’ai pris conscience de la fragilité de notre situation au sein des nations.


Alors que nous pleurons l’homme qui, dans des circonstances particulièrement tragiques, a si longtemps porté sur ses épaules le poids de notre destin et le fardeau de notre lutte pour l’indépendance [Chaim Weizmann], je souhaite de tout cœur qu’il se trouve quelqu’un qui puisse, du fait de ses activités passées et de sa personnalité, assumer cette lourde et difficile tâche.


Albert Einstein, Princeton N. J."



On raconte que Ben-Gourion a poussé un soupir de soulagement quand il a su qu’Einstein refusait. On dit qu’il aurait murmuré à son conseiller de l’époque, Itzhak Navon, qui le rapporte dans ses Mémoires : « Dites-moi ce qu’il faut faire si jamais il dit oui » et il aurait ensuite ajouté : « J’étais obligé de lui faire la proposition parce qu’il était impossible de ne pas la faire, mais s’il accepte, on sera dans de beaux draps ! »



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