Important port maritime et bourg commercial, Porto fut l’une des villes dans laquelle les juifs s’installèrent au Portugal, notamment après les vagues de persécutions répétées de son voisin espagnol durant le moyen-âge. Lorsque l’Inquisition fut à son tour déclarée sur tout le territoire portugais au XVIe siècle, la grande majorité de la communauté juive décide non pas de fuir le pays, mais de continuer à vivre sa judaïté en secret, et ce jusqu’à nos jours. Quelques vestiges de cette présence juive sont encore visibles dans ses rues.
Une communauté juive florissante
Il serait difficile de dater l’arrivée des premiers juifs à Porto. On retrouve tout de même des traces de l’existence au 12e siècle, d’un quartier juif dans le cœur de la vieille ville. D’autres preuves témoignant d’un patrimoine hébraïque riche, daté à partir du Ve siècle, sont visibles dans les villages alentours. La communauté ne cesse alors de s’agrandir et reste florissante jusqu’à l’Inquisition.
Aux XIV et XVe siècles, le Portugal s’enrichit grâce aux nouvelles Découvertes. La ville de Porto, qui donnera son nom au pays, devient le centre européen du commerce maritime, ce qui propulse la ville à la tête de l’industrie portugaise de construction navale. Dans ce contexte d’essor économique, les juifs gèrent souvent des entreprises prospères et font partie intégrante de l’élite urbaine. De nombreux notables et banquiers juifs financent par ailleurs ces nouvelles conquêtes et expéditions navales. D’autres deviennent philosophes, scientifiques, humanistes et influencent l’histoire portugaise.
En 1492, avec l’Edit d’expulsion du roi Ferdinand et de la reine Isabelle d’Espagne, des milliers de juifs quittent le pays et se réfugient chez leur voisin portugais. Les communautés absorbent ces nouveaux migrants et voient tripler leur nombre de fidèles. La communauté juive portugaise reste alors très considérée et profondément enracinée dans la vie commerciale et culturelle du Portugal.
Instauration de l’Inquisition
En décembre 1496, le roi Manuel du Portugal épouse Isabella, la fille des souverains espagnols. Cette dernière réclame comme condition pour son mariage royal l’instauration de l’Inquisition au sein du territoire portugais. Les autorités, peu enthousiastes, organisent alors une « conversion de masse ». Quelques années plus tard, sous la pression de son homologue espagnol, l’Inquisition est déclarée. Mais le roi portugais ne compte pas se séparer de cette élite qui entraînerait une perte économique considérable. Il ferme alors les frontières de son pays, interdisant l’exode des juifs portugais et obligeant ces derniers à se convertir au catholicisme pour éviter la persécution. Malgré cela, les nouveaux-chrétiens ou crypto-juifs continuent de pratiquer leur foi en secret. L’édit promulgué par le roi portugais n’a pas eu les mêmes effets à Porto et dans le reste du pays. A Porto, il n’y a pas de fuite générale, ni de violence sur les Juifs. Ces derniers se convertissent au catholicisme, tout en continuant à adorer en secret le Dieu d’Israël. Il est alors très difficile d’établir un recensement de ces crypto-juifs.
De ce temps-là subsistent encore les marques et inscriptions symboliques sur les anciennes maisons juives de Porto : des mezouzot sculptées sur les linteaux des portes, des noms de rues aux consonnances hébraïques telles que rua da Estrela (rue de l’étoile) ou encore rua Espinoza (rue Spinoza), des poignées de portes représentant la main de Myriam…
En 1618, l’Inquisition adopte un nouvel édit qui permet d’organiser la détention à Porto de cent cinquante nouveaux chrétiens et la confiscation de leurs biens. Cette situation entraîne l’effondrement social, économique et financier de Porto, puisque de fortes vagues de migration des nouveaux chrétiens ont suivi cette mesure. En visitant le musée juif de Porto, il est possible de consulter la liste des noms des 842 marranes de Porto qui ont été persécutés entre 1541 et 1737, accusés de « pratiques juives hérétiques ». Les victimes étaient âgées de 10 à 110 ans.
Le Dreyfus portugais et la renaissance du judaïsme à Porto
Au début du XXe siècle, Porto est témoin d’événements qui marqueront à jamais son histoire. Après la découverte de ses origines juives, le capitaine Barros Basto, héros de la première guerre mondiale, se convertit au judaïsme et entreprend un « travail de sauvetage » des crypto-juifs du Portugal. Il fonde en 1923 la communauté juive de Porto avec l’aide de marchands juifs qui avaient récemment immigré de Lituanie, Pologne, Allemagne et Russie. Il établit également Rosh Pina, la première yeshiva du Portugal depuis 500 ans. La communauté de Porto n’est alors composée que d’une vingtaine de membres, issus de quatre familles différentes, ayant quasiment perdu la pratique des rituels juifs. En 1938, alors que les synagogues sont saccagées en Allemagne durant la nuit de cristal et que le nazisme se répand dans toute l’Europe, Barros Basto inaugure la première synagogue Kadoorie Mekor Haim de Porto. Cette dernière est bordée de grands arbres, afin de cacher les enfants juifs des regards, notamment de l’école allemande qui jouxte la synagogue !
Les actions de Barros Basto lui valent l’opposition de bon nombre de personnes influentes et de l’Eglise catholique. En 1937, sur dénonciation anonyme, il est destitué de son grade et chassé de l’armée pour « crimes sexuels » car il pratique la circoncision. L’armée va jusqu’à lui retirer ses allocations médicales qui auraient pu sauver la vie de son fils. Celui que l’on surnomme désormais le « Dreyfus portugais » n’est en fait que la victime de l’antisémitisme de l’Eglise qui voit d’un très mauvais œil cet homme vivre sa foi juive sans se cacher et pousser les crypto-juifs à faire de même.
Malgré toutes les attaques qu’il connaît, « l’apôtre des Marranes » parcourt à cheval les villes et villages de l’intérieur du Portugal, à la recherche de ses frères crypto-juifs, les exhortant avec enthousiasme à revenir à leur foi d’origine et vivre leur religion au grand jour. Il aide par ailleurs des centaines de juifs à se réfugier des atrocités de l’Holocauste. Brisé et dépouillé de sa dignité après une campagne de diffamation, il meurt en 1961 dans la pauvreté et la misère, oublié de tous.
Le nombre des marranes convaincus de revenir à leur foi juive par Barros Basto est estimé à 10 000. Comme Dreyfus, le capitaine Barros Basto est disculpé de toute accusation, à l’unanimité, le 29 février 2012, par l’Assemblée de la République portugaise, soit 51 ans après sa mort. Ces accusations sont reconnues comme étant exclusivement motivées par l’antisémitisme.
Porto aujourd’hui
En 2015, le Portugal tout comme l’Espagne, adopte une loi autorisant les descendants de juifs expulsés du pays ou persécutés lors de l’Inquisition, à devenir citoyens portugais à titre d’expiation pour les cruelles injustices d’autrefois. Ainsi, en 2019, il est estimé que plus de 10 000 juifs séfarades ont bénéficié de cette nationalité. Ces mesures et l’intérêt porté à l’histoire juive ont permis l’explosion du tourisme israélien dans la ville côtière.
Ainsi, plus de 500 ans après que les synagogues et cimetières juifs aient été détruits et que les maisons des familles juives aient été pillées lors des expulsions, la Communauté Juive de Porto prospère à nouveau. Elle compte aujourd’hui plus de 400 membres de 30 nationalités différentes. On considère même qu’après Jérusalem, Porto est le havre de paix où il fait bon vivre pour les juifs, sans aucun acte d’antisémitisme.
Article publié en 2020
Merci Seigneur de permettre cela, et on voit que ça se répercute sur la situation économique du Portugal, qui fleurit à nouveau ! Dieu bénit ceux qui bénissent Israël.