Dans le deuxième article, nous avons présenté le contexte sous un œil davantage axé sur les relations entre les Juifs et Rome et le pouvoir politique. Si les juifs étaient eux-mêmes divisés entre leurs différents mouvements religieux, l’animosité croissante envers le pouvoir des Hérodiens et des Romains conduisait les juifs d’Israël au pied du mur : la guerre était désormais inévitable face à ce Goliath romain.
Imaginez : quelques milliers de juifs sans expérience du combat ni équipement allaient affronter les terribles légions romaines, véritable ogre militaire suréquipé avec des technologies de pointe pour l’époque. La bataille semblait perdue d’avance sur le papier. Mais les Juifs avaient une espérance : celle d’une délivrance par le Messie.
Joseph est donc de retour de Rome dans une Judée en effervescence. Depuis des décennies, des rebelles armés organisent des assassinats de romains ou de traîtres collaborant avec l’occupant, de manière sanglante, dans le but de marquer les esprits. Ces rebelles nationalistes sont tantôt appelés sicaires (en référence à leur arme, un poignard nommé sicari) ou encore zélotes. Certains nous sont bien connus, à l’instar de Judas et de Shimon le zélote, disciples de Yeshua.
On pourrait également citer les « brigands » crucifiés avec Yeshua à Golgotha. Ces deux « brigands » n’étaient autres que des zélotes, coupables de rébellion et de troubles envers le pouvoir romain.
Les historiens parviennent difficilement à catégoriser l’ensemble de ces hommes prenant les armes contre Rome. Il semblerait que certains les prirent davantage pour des raisons lucratives qu’idéologiques et religieuses. Ces révoltés venaient, pour beaucoup, de Galilée puisque l’un de leurs leaders était Judas le Galiléen, que Joseph perçoit comme un adversaire.
Lors de l’arrestation de Yeshua à Gethsémané, il est intéressant de noter que les Romains mettent les moyens pour s’emparer de ce galiléen. Une entière cohorte de soldats vient pour l’arrêter. Pourquoi ? Il semblerait que les Romains aient capturé et crucifié Yeshua par crainte d’un nouveau foyer d’insurrection contre Rome. Yeshua et ses disciples étaient ainsi, sans doute, perçus comme de possibles révoltés zélotes, fauteurs de troubles messianiques, à l’image de Barrabas et ses compères (Marc 15 v 7).
En 66, un groupe de quelques zélotes s’empare de la forteresse de Massada et massacre la garnison romaine présente. A Césarée, ville cosmopolite, davantage grecque que juive, une émeute éclate après le blasphème commis par un Grec envers la population juive locale. Les troubles se répandent en Judée et en Galilée.
Des pogroms éclatent dans plusieurs villes partagées entre païens et juifs. A Alexandrie, la communauté juive est massacrée par les Grecs : plus de 50 000 cadavres s’amoncèlent dans les rues de la ville portuaire. Le gouverneur romain d’Alexandrie n’est autre que Tibère Alexandre, un juif apostat, qui n’hésite pas à ordonner le massacre de ses confrères, en fidèle serviteur de Rome. A Césarée, 20 000 juifs sont tués.
Plutôt que d’essayer de calmer la situation, le gouverneur romain Florus rajoute de l’huile sur le feu en volant une partie du trésor du Temple. C’en est trop pour la population juive : l’insurrection est en marche.
Les insurgés s’emparent d’une partie de Jérusalem, dont l’esplanade du Temple. Très vite, des dissensions au sein du camp juif entraînent des massacres entre camps rivaux. Joseph, qui cherche absolument à éviter un conflit avec Rome, sait pertinemment que le peuple juif est trop divisé pour mener à bien une révolte.
Il est lui-même pointé du doigt pour sa modération, que les extrémistes prennent pour de la trahison.
Rome intervient et envoie une légion de Syrie pour mater la révolte. Les troupes juives tendent une embuscade à la légion à Beit Horon : plus de 5 000 soldats romains sont tués lors de cet évènement qui fait basculer la révolte vers une guerre d’indépendance.
Dès lors, tous les modérés réticents à affronter Rome ne peuvent plus reculer : s’ils refusent, ce sont des traîtres. Les sadducéens, les pharisiens, les esséniens, les grands-prêtres… Tous s’organisent pour la confrontation à venir. En effet, Rome ne va pas laisser impuni cet affront que constitue la défaite de Beit Horon et l’embrasement de l’une de ses provinces, qui pourrait donner des idées aux autres peuples en marge de l’empire romain. Il faut donc réprimer ces révoltés juifs de manière rapide et violente.
Dans ce contexte, Joseph est contraint malgré lui de rejoindre ses compatriotes dans la guerre. Malgré lui, car Joseph connaît pertinemment l’issue du conflit. Les juifs s’organisent en 7 districts militaires, dont celui de la Galilée revient à Joseph. Le général juif a œuvré habilement pour obtenir cette région en marge du territoire, aux mains des insurgés (ce qui lui laisse une chance de survie) et surtout, il s’agit d’une région encore officiellement aux mains d’Agrippa II, proche de Joseph et non des Romains.
Joseph a plusieurs mois pour organiser son territoire face aux affrontements à venir. Or, la Galilée est à l’image du peuple juif de l’époque : très divisée. Foyer d’origine des zélotes, c’est aussi la région des proches du pouvoir royal juif romanisé ou encore, de certains pharisiens influents (Yohanan Ben Zakaï, Yeshua ben Yosef…).
Très vite, Joseph est accusé de ménager les deux camps. Les zélotes de Jean de Gischala, en bons héritiers du courant shammaïte du pharisaïsme, considèrent toute négociation avec Agrippa II comme une trahison, lui la marionnette de Rome. Jean de Gischala tente de soulever la Galilée contre Joseph, mais celui-ci parvient tant bien que mal à réunifier la région sous son pouvoir.
A Rome, la révolte inquiète le pouvoir impérial. La Judée est à la frontière de l’empire romain avec les Parthes, ennemis héréditaires et invaincus par les romains. L’empereur craint légitimement que l’affaiblissement de la région conduise à une nouvelle guerre avec l’empire parthe. De plus, la Judée est à proximité de l’Egypte, véritable grenier à blé de l’empire romain. Si la révolte atteint la province égyptienne, c’en est fini de Rome. Enfin, Néron a besoin d’esclaves pour participer aux immenses chantiers du canal de Corinthe. Le général Vespasien, d’origine très modeste et reconnu pour sa rare intégrité, est envoyé en Judée pour combattre les Juifs.
Quelques mois plus tard, les Romains arrivent sous les ordres du général Vespasien aux portes de la Galilée, verrou situé au nord de la Judée. L’armée romaine est forte d’environ 60 000 soldats, sans compter les nombreux mercenaires - en quête de pillage - et les auxiliaires. Les troupes d’Agrippa II se joignent notamment aux Romains, après plusieurs mois d’affrontements avec les troupes de Joseph en Galilée.
A l’arrivée des Romains, la ville de Sephoris, cité-clé dans la défense de la Galilée, trahit ses compatriotes et se rend. La ville de Gabbara est rasée, Tibériade refuse d’être le terrain de bataille et demande à Joseph et ses troupes de trouver un autre endroit : Yodfat.
Vespasien met le siège devant Yodfat, berceau du mouvement zélote et véritable piton rocheux, défendue par Joseph et ses troupes. Les combats sont rudes ; les Romains utilisent leurs 160 machines de guerre, mais les résistants tiennent bon. L’eau vient à manquer. Après près d’un mois et demi de siège, la ville se rend. 40 000 combattants galiléens ont péri, mais Joseph ben Matatiayou s’est forgé une réputation de stratège émérite. Cependant, il reste introuvable dans la cité ravagée.
Selon la version très romancée de Joseph, un tirage au sort a été effectué pour désigner celui qui restera le dernier vivant parmi les quarante personnes cachées dans la grotte et qui se suicidera lui-même en dernier... Le sort tombe étrangement sur Joseph qui décide plutôt de se rendre aux Romains.
Lors de sa rencontre avec le général vainqueur Vespasien, Joseph lui « prophétise » sa future accession au trône impérial. Vespasien est intrigué par cette prophétie, d’autant que le pouvoir de Néron est très compromis en cette année 67. Aussi, les Romains sont très superstitieux et les religions orientales les intriguent. Joseph le sait sûrement et joue habilement de cette superstition pour se maintenir en vie. Vespasien le met en captivité, avec les honneurs dus à son rang aristocratique.
En revanche, la nouvelle de sa reddition le fait passer pour un traître aux yeux de son peuple, réputation qui l’a poursuivi jusqu’à aujourd’hui, alors même qu’il a démontré son attachement à son peuple et ses coutumes, contrairement à Tibère Alexandre, qui accompagne les troupes romaines et qui n’a plus rien de juif. Joseph est enfermé, seul, sans nouvelles de ce qu’il se passe sur le front. Vespasien lui offre une épouse (puisque selon lui, la famille de Joseph a été massacrée, suite à l’annonce de sa reddition), une jeune juive intelligente, dont la famille a été elle aussi massacrée.
Elle informe Joseph des avancées de la guerre et de la chute de Gamla, après 7 mois d’héroïque résistance. Les derniers survivants ont préféré se suicider du haut des falaises plutôt que de tomber entre les mains des Romains. Joseph met à profit son temps d’enfermement pour écrire son ouvrage majeur « La guerre des Juifs », véritable mine d’or pour les historiens jusqu’à nos jours.
La guerre se poursuit et les troupes romaines s’emparent du reste de la Galilée et du nord de la Judée. Le camp juif se disloque et une guerre civile éclate entre plusieurs clans rivaux. Les zélotes menés par Jean de Gischala, l’ennemi de Joseph, prennent le pouvoir à Jérusalem. Jusque-là, Jérusalem était aux mains des Pharisiens, qui ont organisé le camp juif depuis la victoire de Beit Horon (à noter que les zélotes sont probablement issus eux-mêmes des Pharisiens, de l’école de Shammaï, opposé à Hillel l’ancien).
La suite des évènements est terrible : les zélotes laissent entrer 20 000 combattants Iduméens dans Jérusalem, afin d’obtenir leur aide durant le siège que les romains projettent de mettre en place. Ces semi-juifs (peuple voisin récemment converti de force, dont sont issus les Hérodiens) ne sont en fait là que pour piller et profiter de la guerre civile. 8 000 corps jonchent la ville de Jérusalem, sous les yeux ébahis d’un Vespasien qui n’en espérait pas tant. D’autant que les Iduméens quittent désormais la ville, les bras remplis de leurs pillages…
Alors que les territoires aux mains des juifs fondent comme neige au soleil durant l’année 68, un évènement va néanmoins perturber la marche sur Jérusalem.
En effet, le pouvoir romain est en pleine agitation. Depuis quelques années, l’empereur Néron délaisse sa charge d’administration de l’empire pour se consacrer aux arts grecs, pour lesquels il s’imagine être talentueux. La gronde monte au sein de l’aristocratie et nombreux sont ceux qui souhaiteraient prendre la place de l’empereur. Ce dernier est totalement paranoïaque devant tant de haine et massacre tous ses opposants. Il tue, par ailleurs, sa femme (voir article précédent) en pleine grossesse et prive ainsi l’empire d’une descendance impériale.
Le peuple aussi commence à contester celui qui vide les caisses de l’état dans ses fêtes orgiaques, luxueuses et décadentes.
Alors qu’il part pendant un an en Grèce, démontrer son talent artistique, plusieurs généraux se rebellent contre Néron. Bientôt, l’empereur est acculé et n’a d’autre choix que de se suicider.
En cette année 68, Rome se retrouve ainsi sans empereur. Débute alors une période de guerre civile au sein même de l’empire : « l’année des quatre empereurs ». Quatre généraux se disputent le pouvoir et disposent chacun de leurs légions. Vespasien est l’un de ces généraux.
Il abandonne ainsi momentanément la reconquête de Judée pour marcher sur Rome.
Court répit pour les Juifs qui n’en profiteront pas vraiment, car les bandes de zélotes massacrent toujours à tour de bras.
Les Romains repassent à l’attaque au début de l’année 69 et Vespasien, choisi comme empereur de Rome, laisse à son fils Titus la responsabilité d’achever la soumission des quelques bastions insurgés (principalement Jérusalem et Massada).
Le siège de Jérusalem est imminent. Joseph espérait que ce moment extrêmement douloureux puisse être évité. Mais les révoltés qui dirigent le peuple n’imaginent aucune issue autre que la mort ou la délivrance messianique. Joseph lui, se souvient des exils à Babylone et des affrontements terribles avec Antiochus Epiphane ou encore Pompée. Il sait que les moments d’extrême souffrance de son peuple n’annoncent pas pour autant une délivrance immédiate de Dieu. On pourrait, ici, faire le lien avec la Shoah qui touchera le peuple juif, 2000 ans plus tard.
Les temps sont donc tragiques pour Joseph et son peuple. La lutte inégale était vouée à l’échec dès le début. Malgré une résistance héroïque, les Juifs sont au pied du mur, en cette année 69-70. Alors que le siège de Jérusalem est imminent, la destruction de la ville semble également inéluctable.
A suivre…

Les Gilets Jaunes de l'époque... ^^
Le salut ne viendra que du Messie Jésus, et non pas de main d'homme. Pour l'heure, le Royaume était spirituel, mais viendra un jour où il sera visible, physique.
En 1948 et en 1967, les Juifs ont pris leur revanche sur Rome et sur les nations successives qui piétinaient et la ville et le pays. Dieu avait promis qu'ils reviendraient, c'est chose faite.
Très intéressant. Mais d'où viennent ces Références ?
Peut-être des Pères de L'Église ?
Surtout des Pères Apostoliques qui ont connu certains apôtres...? Merci