top of page

Flavius Joseph – l’exil (épilogue)

Dernière mise à jour : 25 avr. 2023

Nous revoici à l’aube de l’année 70. Le peuple juif a déjà perdu sa guerre contre Rome malgré la présence de plusieurs bastions révoltés à Jérusalem et Massada principalement.


Le temps de répit laissé par Vespasien, devenu empereur de Rome, n’aura permis que d’accélérer la chute de la révolte juive, du fait des massacres fratricides.


Joseph (Flavius Joseph ou Yosef ben Matatyahou) n’a pas été oublié par le nouvel empereur, ni sa « prophétie » annonçant que Vespasien monterait sur le trône. Aussi, Vespasien ordonne la libération de Joseph.


Alors que l’issue de la guerre de Judée est laissée aux mains de son fils Titus, Vespasien démontre, par ce geste, que les insurgés peuvent encore se rendre. Joseph, général et prêtre, l’un des meneurs de la révolte politique et militaire malgré lui, sert désormais d’exemple de la « bonté » de Vespasien envers ceux qui se rendent.


En grand stratège militaire, Vespasien sait que son pouvoir est fragile : l’année 68 a vu se succéder quatre empereurs romains et les légions ont tantôt acclamé tel général, tantôt honni tel autre… Vespasien a conquis le pouvoir par la sagesse, en évitant toute guerre interne. Pour cela, il a envoyé, depuis l’Egypte, le grenier à blé de l’empire, une flotte de blé à destination de Rome.

En Judée, Vespasien veut que son fils use de la même stratégie et lui associe Joseph. Joseph se retrouve ainsi aux côtés de Titus, malgré lui, afin d’amener son peuple à la reddition sans combats.

Joseph revoit Jérusalem pour la première fois depuis le début de la guerre, lorsque les légions s’établissent autour de la cité. Le siège de Jérusalem commence.




Titus, sûr de lui, inspecte la muraille de la cité d’un peu trop près. Les révoltés juifs en profitent pour tenter une sortie et fondre sur Titus, qui ne s’en extirpe qu’in extremis. La guerre aurait pu basculer sur cette erreur d’appréciation. Titus mort, les régions autour de la Judée auraient peut-être suivi la révolte et embrasé un empire très fragile.


Contrairement à son père, Titus est fougueux et cruel. La prise de Jérusalem ne peut se faire que dans le sang. Alors que le siège se poursuit, les massacres au sein de la cité juive continuent entre les divers groupes de révoltés. La famine et la soif se font pesantes.


Joseph est chargé d’interroger les fugitifs de la ville et de faire l’interprète auprès de Titus. De plus en plus de personnes fuient la ville et la famine. Or, arrivés dans les camps romains, les juifs sont parfois éventrés par les légionnaires à la recherche de quelques pièces d’or cachées dans les intestins des fuyards. D’autres sont crucifiés à la vue des habitants de Jérusalem. Hommes, femmes, enfants, vieillards…


Certains sont sains et saufs comme Yohanan ben Zakaï, grand sage pharisien, élève de Shammaï et d’Hillel. Caché dans un cercueil, il parvient à quitter la ville. Il fondera à Yavhné un nouveau sanhédrin (uniquement pharisien, les sadducéens disparaîtront définitivement lors de la chute de Jérusalem) d’où renaîtra le judaïsme pour parvenir jusqu’à nos jours.


Les victimes de la famine ou des luttes intestines sont jetées par-dessus la muraille. Bientôt, une percée romaine permet aux légions de s’emparer de la forteresse Antonia. Le dernier obstacle majeur se dresse sur la route des romains : le Temple.


Une rampe est érigée pour y accéder. Les quelques défenseurs sont déterminés, bien que sous-équipés et épuisés par le siège. La ferveur et l’attente d’une intervention divine permettent à ces hommes de tenir tête à l’armée romaine.


Le jour tant attendu arrive : les légions se lancent à l’assaut du Temple et balaient les révoltés en quelques heures. Ivres de sang et avides de pillage, les soldats romains se déchaînent contre la ville sainte. Bientôt, les flammes s’emparent du Temple, entièrement pillé par l’occupant.

Quel triste spectacle que la présence de ces étendards d’animaux impurs (sangliers gaulois, notamment) dans l’esplanade du Temple. Abomination suprême pour les juifs.


Les derniers combattants vaincus, les hommes sont tués ou envoyés en Egypte en esclavage. Les femmes sont également tuées ou envoyées à Rome pour fournir la capitale de la dépravation en prostituées. Près de 100 000 juifs connaissent alors le chemin de l’esclavage et de l’exil. 11 000 sont tués sans ménagement. Cet afflux massif d’esclaves fait d’ailleurs chuter le prix des esclaves dans l’empire…


La ville sainte est prise. Les objets de culte sont capturés. L’une des merveilles architecturales du monde, le Temple d’Hérode, vient de laisser place à la cendre.




Joseph et son époque ont beaucoup à nous apprendre. De nombreuses leçons pourraient être tirées de cet épisode tragique. Pour résumer, Joseph était a priori plein de foi et de zèle, lui le prêtre de famille noble, tiraillé entre les pharisiens, les sadducéens et les esséniens. Mais malgré son attachement à la Parole de Dieu, Joseph était (encore une fois, son témoignage repose principalement sur ses propres écrits, sûrement à son avantage) conscient du danger d’une révolte contre Rome et surtout, de l’issue d’une telle confrontation. La ferveur messianique ne devait donc pas conduire à des décisions déraisonnées.


En effet, l’ensemble du monde juif a subi les contre-coups de la révolte. La population des provinces juives de Judée et de Galilée a connu la famine, la guerre, l’esclavage et la présence de l’occupant. Des centaines de milliers de juifs venus de tout l’empire romain pour la fête de Pessah se sont retrouvés au cœur d’un massacre gigantesque : près d’un million de morts ! Les révoltés sont soit morts, soit capturés et réduits en esclavage après s’être entretués entre groupes rivaux. Les Sadducéens ont disparu, durant ces années tragiques, du fait de la mise au pas des classes sacerdotales et élitistes du peuple juif, considérées comme proches des romains et éloignées du peuple. Leur école de pensée a définitivement perdu, face au pharisaïsme. La disparition du Temple et la mort des prêtres met un terme au judaïsme d’essence sacerdotale, basé principalement sur les cultes sacrés, au profit de l’étude de la Torah (pharisaïsme).


La diaspora juive a été impactée par cette révolte : plusieurs dizaines de milliers de juifs ont été massacrés dans l’empire romain, à Alexandrie notamment. Les juifs de l’exil sont plus que jamais considérés comme des moins que rien et beaucoup s’éloignent de leurs racines. Le judaïsme lui-même est fortement ébranlé : le Temple n’est plus, tout comme le Sanhédrin et les mouvements sadducéen et essénien.


Une plaie ouverte et qui ne se refermera jamais vraiment …


(lire les articles "abomination de la désolation 1 et 2" pour plus de détails sur la parole de Jésus concernant la chute du Temple



Les derniers bastions révoltés tombent et la guerre se clôture en 73 avec la chute de la citadelle de Massada, où près de 1000 zélotes (dont 500 combattants) résistent à plus de 8000 romains. Ils finissent par se suicider, plutôt que de tomber dans les mains des impies.

Joseph obtient le nom de la famille qui l’a libéré : les Flaviens (famille de Vespasien).


Il devient ainsi Flavius Joseph, ce personnage à la réputation ternie par la proximité avec la famille impériale. Exilé à Rome, Joseph rédige le récit des guerres juives, puis l’ouvrage « Antiquités juives » qui seront des sources historiques fabuleuses pour comprendre son époque et surtout, le peuple juif. Pour lui, ce dernier ouvrage est sûrement davantage un moyen de maintenir la mémoire de son peuple.


Bien évidemment, ces écrits glorifient Rome et le pouvoir impérial car Joseph ne peut faire autrement : les ouvrages sont validés par l’empereur et doivent servir à sa propagande impériale. Jusqu’à nos jours, il est difficile de dresser un portrait rapide de Joseph, souvent présenté, pour cette raison, comme un collabo des romains. Or, ses ouvrages démontrent pourtant un équilibre dans ses récits entre les camps juifs et romains.


L’exil est violent : les populations romaines ou romanisées exècrent ces juifs qui se sont révoltés contre Rome. Aussi, le peuple juif est le seul peuple monothéiste de l’empire romain et refuse d’adorer les dieux étrangers : c’est une abomination pour les peuples de l’empire qui adoptent facilement les dieux de leurs voisins.


Les vexations contre les juifs se multiplient. Le triomphe de la victoire romaine en Judée humilie un peu plus les juifs de l’exil. Joseph doit assister, contre son gré, à la longue procession des prisonniers de guerre, dont Shimon bar Giora, en route vers la mort dans l’arène ou sur une croix. Les objets du Temple volés font également partie de la procession…


C’est une période d’excès pour Rome. Vespasien meurt et est remplacé par Titus, qui vient de renvoyer la reine juive Bérénice en Judée, sous la pression des élites romaines. Peut-être que cette liaison a momentanément attendri le cœur du débauché Titus envers la cause juive…


Toujours est-il que, dès le début de son règne, Titus est confronté au gigantesque cataclysme de l’éruption du Vésuve (Pompéi) en 79 et d’un incendie qui ravage Rome en 80. L’année suivante, Titus meurt à 41 ans dans d’étranges circonstances. On évoque un possible empoisonnement de son frère Domitien.

On peut également penser à une punition divine contre cet homme qui a commis « l’abomination de la désolation ». Encore plus cruel que son frère, Domitien monte sur le trône pour 15 années terribles pour les juifs. Joseph terminera, malgré tout, sa vie paisiblement en 100, malgré la douleur liée à la chute de son peuple et du Temple.



L’époque de Joseph était propice aux promesses d’avènements messianiques si Rome attaquait Jérusalem, à l’héroïsme de ceux qui mourront les armes à la main…

Un dénommé Jésus de Nazareth avait pourtant averti le peuple, quelques décennies auparavant :


« Quand vous verrez Jérusalem foulée aux pieds par Rome, fuyez… »


Cette période nous montre que, peu importent les bruits qui viennent de droite et de gauche pour nous ébranler, notre Foi repose sur Notre Sauveur et la Parole de Dieu. Les discours des hommes peuvent nous détourner de l’essentiel, nous emmener dans des combats qui ne sont pas les nôtres car avant tout spirituels.


Trois personnages symbolisent cette période et font écho à la nôtre.


  • Tibère Alexandre, gouverneur et général romain, juif de naissance mais ayant totalement rejeté ses origines et son Dieu pour servir Rome. C’est l’exemple typique de l’apostat.


  • Judas le galiléen, le meneur des sicaires, les plus violents des zélotes. Il prédisait la délivrance messianique à ses combattants qu’il menait aux combats. Il est le symbole du manque de sagesse, de celui qui combat le mauvais combat. En luttant par les armes pour hâter la venue du Messie, il précipite son peuple vers sa chute brutale et tous les maux qui en découlent (guerre, exil…). Le Messie ne vient pas suite à une quelconque campagne militaire, sans repentance des cœurs : il est venu humblement quarante ans plus tôt, dans la Sagesse et l’Amour.


  • Enfin, Joseph est le symbole de l’équilibre : à la recherche du meilleur pour son peuple, sans se compromettre, il comprend que la lutte est inégale et risque de desservir le peuple juif plus qu’autre chose. Le combat entre Rome et Jérusalem est spirituel : dans un monde idolâtre, garder ses valeurs et s’accrocher à la Parole est le plus important des combats que l’on puisse mener. Joseph n’est pas un exemple en soi, mais son histoire peut nous servir d’exemple dans l’attitude à adopter face à l’ennemi. Jésus avait par exemple averti ses disciples de fuir Jérusalem entourée de camps romains. Cela pourrait nous sembler lâche, d’une certaine manière, mais c’était finalement la meilleure des solutions pour les néo-chrétiens qui ont obéi à cette parole.




« C'est pourquoi, lorsque vous verrez l'abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie au Lieu Saint, - que celui qui lit fasse attention ! - alors, que ceux qui seront en Judée fuient dans les montagnes ;


que celui qui sera sur le toit ne descende pas pour prendre ce qui est dans sa maison ; et que celui qui sera dans les champs ne retourne pas en arrière pour prendre son manteau.


Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que votre fuite n'arrive pas en hiver, ni un jour de shabbat.


Car alors, la détresse sera si grande qu'il n'y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura jamais. Et, si ces jours n'étaient abrégés, personne ne serait sauvé ; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés. »

(Mat 24 v 15-22)






673 vues3 commentaires

3 Comments


md94
Jan 28, 2023

C'était magnifique, merci encore d'avoir pris le temps de nous exposer cette série et de nous renseigner sur cet historiographe qui déchaîne encore les passions aujourd'hui ^^


Autrefois je pensais que Dieu avait puni les Juifs en laissant les Romains ravager Jérusalem, mais aujourd'hui je me rends compte que cet évènement n'a rien d'un châtiment, c'est plutôt une fatalité, Satan qui redouble de violence, sachant que ses jours sont comptés, s'attaquant systématiquement à Israël, après s'en être pris à l'Eglise via Néron. Mais cet évènement terrible de 70 est aussi le point de départ de l'exil volontaire ou non des Juifs parmi toutes les nations (où ils étaient déjà en grande partie), laissant quelques-uns d'entre eux en Israël. Des temps…


Like
md94
Jan 31, 2023
Replying to

Merci bien :) !

Like
bottom of page