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Dossier Accords d'Abraham (2) : une alliance dirigée contre l’ennemi iranien



La menace iranienne est la raison principale de la signature de ces accords d’Abraham. Face au développement régional d’un « bloc iranien » formé de différents groupes et milices chiites utilisant des techniques terroristes, les États sunnites du Golfe ont perçu la pression iranienne comme un danger imminent. De par leur proximité géographique avec l’Iran, les Émirats et le Bahreïn sont en position de faiblesse face à cet adversaire possédant des navires patrouillant dans le Golfe persique, mais aussi des capacités militaires menaçantes pour ces pays sunnites.


En effet, à l’image de l’attaque lancée en 2018 sur les raffineries d’Aramco en Arabie Saoudite depuis le Yémen, les territoires émirati et bahreïni sont à portée de missiles ou de drones soit iraniens, soit Houthis (financés et équipés par l’Iran). Pour Israël, la menace de l’Iran s’est faite grandissante ces 15 dernières années, notamment par la constitution entre les mains du Hezbollah, d’un arsenal estimé par les spécialistes à plus de 100 000 missiles et roquettes. De plus, l’Iran tente de transformer cet arsenal déjà impressionnant en modifiant des roquettes en missiles balistiques, en y implantant des système GPS pour les rendre précis. L’Iran ne renforce pas seulement sa milice libanaise puisque les Iraniens tentent également d’implanter au sud-syrien frontalier d’Israël, d’autres milices chiites sur le modèle libanais, notamment la milice Fatemiyoun composée d’Afghans chiites.


Depuis le début de la guerre civile en Syrie, l’armée de l’air israélienne frappe régulièrement les milices supplétives iraniennes ainsi que les Pasdarans. Les Pasdarans sont des soldats iraniens appartenant au Corps des gardiens de la Révolution islamique, une « armée » non-officielle du régime des mollahs, qui obéit uniquement au Guide suprême (chef religieux chiite).




Depuis son accession au pouvoir en 1979, la théocratie de la révolution iranienne remet en cause l’existence de l’État d’Israël, ce qui explique les velléités perses à l’égard d’Israël.

Deux acteurs n’ont pas été évoqués à ce stade. Pour des raisons historiques et énergétiques, les États-Unis soutiennent indéfectiblement les monarchies du Golfe depuis des décennies. Dans la logique d’une progression militaire de l’Iran et de ses proxies au Moyen-Orient, les États-Unis occupent ce rang de protecteur pour les puissances sunnites de la région et pour son allié incontournable israélien. Ceci pour des raisons tant militaires, qu’énergétiques, économiques et politiques. Ce n’est donc pas un hasard si les accords d’Abraham ont été négociés et conduits sous la férule américaine. D’ailleurs, une clause des accords incluait la vente d’avions de combats américains F-35 aux émirats, pour renforcer le potentiel stratégique du bloc « arabo-israélo-américain ».


L’objectif pour Israël, les Émirats arabes unis et le Bahreïn est de partager des connaissances et des savoir-faire dans le domaine militaire et particulièrement des renseignements. D’où la récente intégration d’Israël par l’Etat-major de l’armée américaine dans le CENTCOM (commandement central américain pour le Moyen-Orient) afin de renforcer la coopération de l’État hébreu avec les États du Golfe et les États-Unis. Le CENTCOM permet un partage des connaissances et de renseignements entre les puissances alliés des États-Unis qui en font partie.


Enfin, il convient de ne pas oublier que la signature des accords s’est faite sous l’hospice d’une administration Trump très bienveillante envers ses alliés régionaux historiques, rompant en partie avec les deux mandats du président américain précédent, Barack Obama (2008-2016). En effet, l’administration démocrate avait alors mené une politique de « rééquilibrage » dans la région, notamment envers l’Iran, en levant les sanctions internationales et en signant l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien en 2015. Ces huit années avaient été marquées par une fragilisation des liens entre les puissances sunnites ainsi qu’Israël envers les États-Unis. Les premiers rapprochements à des fins géopolitiques et sécuritaires entre les pays arabes et Israël avaient alors posés les bases d’une alliance qui semble prendre forme depuis quelques mois de manière plus ou moins officielle.


Enfin, le dernier acteur et non des moindres n’est autre que l’Arabie Saoudite. Certes, le royaume n’est pas partie prenante des accords d’Abraham, mais comme cela a été évoqué précédemment, ces accords avec l’État hébreu auraient été impensables sans l’aval saoudien. Or, les Saoudiens sont également sous la menace de l’Iran, notamment depuis 2015 et le début de la guerre civile au Yémen. Les rebelles Houthis, appuyés par l’Iran, ont tenté de renverser le pouvoir sunnite allié de l’Arabie Saoudite.


Pour y faire face, les Saoudiens et les Emiratis ont entamé une campagne visant à sécuriser leurs territoires des attaques Houthis. Or, la menace vient avant tout des missiles et des drones Houthis, capables d’infliger des dégâts considérables dans le royaume saoudien et aux Émirats, comme l’a prouvé l’attaque massive et coordonnée de 18 drones et 7 missiles de croisière sur les installations pétrolières saoudiennes en 2019. Israël étant l’un des pays leader dans le domaine anti-aérien, le rapprochement avec ce pays devenait urgent pour les monarchies du Golfe. En effet, les pays du Golfe pourrait ainsi bénéficier de cette alliance nouvelle pour obtenir un renforcement de leur système de défense anti-aérienne, déjà pourvu de batteries de missiles Patriots américains et possiblement protégé à l’avenir par les systèmes israéliens vendus aux États-Unis : les systèmes de défense anti-aérienne « dôme de fer » (missiles Arrow/Khetz 2 et 3). Déjà, Israël a permis aux Américains de déployer des systèmes de ce type dans les pays du Golfe, pour sécuriser les bases de l’US army dans la région. Bien évidemment, cela signifie que les pays du Golfe ont donné leur accord pour que ces systèmes soient installés sur leurs territoires et témoignent des réalités nouvelles du Moyen Orient.

La menace iranienne est aussi celle d’un régime des mollahs nucléarisé. La question du programme iranien inquiète largement autant Israël, les pays du Golfe et les États-Unis, et dans une moindre mesure le reste du monde. Si l’Iran obtenait l’arme nucléaire, ce serait un camouflet énorme pour la non-prolifération d’armes de destruction massive. Certains spécialistes comme Guy Millière pensent que l'état iranien pourrait déjà être en possession d'une telle arme destructrice. Étant donné la faible superficie du territoire israélien, l’État hébreu ne peut se permettre d’avoir son ennemi le plus farouche posséder une arme nucléaire. D’où la récente déclaration du chef d’état-major israélien, Aviv Kokhavi, sur la possibilité d’une attaque pour mettre fin aux ambitions nucléaires iraniennes. En 1981, Israël avait effectué une telle attaque sur l’Irak de Saddam Hussein et en 2007 en Syrie avec le bombardement des installations nucléaires d’Al Assad.


A travers ce bref survol de la menace commune que fait peser l’Iran et ses supplétifs sur les monarchies sunnites, Israël et les États-Unis, il est possible de comprendre en partie la nécessité de créer un front uni au Moyen-Orient pour ces pays face à un adversaire commun iranien. Ce bloc géopolitique pourrait aussi permettre aux États-Unis, dans un contexte de désengagement progressif du Moyen-Orient, de faire « sous-traiter » la menace iranienne par ses alliés dans la région. Pour les pays arabes, le retrait américain implique le besoin de trouver un nouvel allié proche géographiquement, pour leur protection. Par intérêts convergents, cet allié est trouvé en Israël, pour qui l’apaisement d’un monde arabe à son égard n’est pas négligeable et même utile pour lutter contre les forces iraniennes. La proximité géographique avec l’Iran des Émirats ou du Bahreïn (quelques minutes en avion de combat) est importante pour Israël qui souffre d’un manque de profondeur stratégique. Une présence de l’armée israélienne, notamment du Khel Avir (armée de l’air israélienne) sur certaines bases à proximité du Golfe persique pourrait devenir effective, voire l’est déjà d’une manière informelle. De plus, le ciel et les eaux des pays du Golfe (hormis le Qatar) pourraient être « ouverts » au passage d’éléments israéliens en cas d’opérations contre le régime des mollahs.


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